Trump et la Chine, la diplomatie du marchand de tapis

Le ministère chinois des Affaires Etrangères se dit « gravement préoccupé », ce lundi 12 novembre, par les propos tenus par Donald Trump sur Taïwan. Sur la chaîne de télévision Fox News, le président élu a de nouveau défendu sa récente conversation téléphonique avec la chef de l’Etat taiwanaise. Voilà que désormais, il menace de ne plus reconnaître le principe de la « Chine unique ».

Donald Trump et la Chine pendant la campagne américaine (montage vidéo)

Le coup de fil à Tsai Ing-wen, la présidente taiwanaise avait fait tousser Pékin, cette fois c’est presque une déclaration de guerre. Pour les autorités communistes, Taiwan considérée comme partie intégrante de la Chine fait partie des « intérêts vitaux » du pays.

Les "3 T"

C'est ce qu'on appelle communément les 3 T : Tibet, Tiananmen et Taiwan, auxquels il faut désormais ajouter un M, pour mers de Chine. Impossible pour Pékin de laisser Washington revenir sur ce principe de la « Chine unique ». Donald Trump le sait bien. Ces propos pour le moins provocateurs ont ainsi été formulés de manière interrogative et non affirmative : « je ne sais pas pourquoi a déclaré le président élu, nous devons être liés à une politique d’une Chine unique, à moins que nous passions un accord avec la Chine pour obtenir d’autres choses y compris sur le commerce ».

"Donnant-donnant"

Derrière la menace de ne pas reconnaitre un principe qui a conduit Washington à interrompre ses relations diplomatiques avec Taipei il y a 37 ans, se cache donc l’autre principe bien connu de la diplomatie chinoise du « donnant donnant » ou, plus trivialement, du marchandage.

Dans un précédent tweet, Donald Trump avait déjà mis en relation une supposée sous-évaluation du yuan défavorisant les intérêts des entreprises américaines et la stratégie de reconquête des mers de Chine par Pékin. A un moment ou le Parlement européen conteste le statut d’économie de marché de la Chine, Donald Trump entend visiblement revoir certains accords commerciaux avec le partenaire chinois. Pas sûr qu’après ces nouvelles déclarations, Pékin soit d’humeur à marchander. 

Base des relations sino-américaines

« La question de Taïwan touche à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine. Le principe de 'Chine unique' constitue la base même des relations sino-américaines », a rappellé Geng Shuang ce lundi, cité par la correspondante de RFI à Pékin. Et le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères de menacer à son tour : si Washington devait revenir sur cet engagement, "il ne saurait plus être question de croissance saine et régulière des relations sino-américaines ni de la coopération bilatérale dans d'importants domaines".

 

Homme d'affaire et joueuse de go

Pendant toute la campagne présidentielle, Donald Trump s’est présenté comme le candidat les plus apte à signer les meilleurs deals avec les partenaires des Etats-Unis. Un homme d’affaire qui raisonne sur le court terme et se dit prêt à jeter le « pivot américain vers l’Asie » cher au président Obama, avec l’eau du partenariat trans-pacifique (TPP), laissant place à un pacte régional avec la Chine. On est ici à l’opposé d’une Hillary Clinton en joueuse de go, tentant de contrer les avancées chinoises dans les mers de chine en resserrant les alliances au sein de l’ASEAN. Mais l'homme d'affaire peut aussi être très dangereux pour l'équilibre des puissances.

Poker diplomatique

Si le Global Times considère que le président élu est un peu comme la poule face à un couteau en matière de politique étrangère, le régime communiste n’a en revanche pas oublié les sorties du magnat des affaires concernant le « pouvoir énorme » de l’Amérique sur la Chine. Trump ne fait ici que reprendre le vieil adage populaire selon lequel celui qui doit 100 euros à la banque est à la peine, alors que c’est la banque qui souffre si on lui doit 100 millions d’euros. Dans le cas présent, la Chine possède 1,2 milliard de la dette souveraine américaine.

La guerre commerciale n'aura pas lieu

En réalité, les choses sont plus contrastées. Les planificateurs chinois ont modifié le logiciel chinois du développement à l’occasion du 18ème congrès du parti communiste en 2013. Autrefois basée sur le Made in China à bas-couts, la croissance chinoise se veut plus durable et d’avantage axée sur la consommation des ménages. Les salaires ont augmenté en Chine, mais les smartphones de Huawei valent desormais ceux d'Apple et de Samsung et, surtout, le pays a réduit sa dépendance aux exportations.

"Perdant-perdant"

Bref, ce n'est pas le moment de se prendre le pied dans le tapis, sachant que la deuxième puissance économique mondiale pourrait bien monter sur la première marche du podium dans les mois qui viennent. Pékin comme Washington ont donc intérêt à éviter une guerre commerciale dont l'issue serait forcément "perdant perdant". Et si dans ce poker diplomatique de l’ère Trump, le régime communiste dispose encore d'un joker, en l'occurence du joker "Corée du Nord" face à la carte "Taiwan" que vient d'abattre l'adversaire ; là encore, la partie semble terriblement risquée.

 

 

 

A lire chez les confrères :

 

Le Monde 12.12.2016 : Donald Trump menace de ne plus reconnaître une "Chine unique"

France 24 12.12.2016 : Trump veut revenir sur le principe de la Chine unique, Pékin "extrêmement préoccupée"

L'Obs 12.12.2016 : Trump et la Chine : un jeu très dangereux

Libération 12.12.2016 : D'où vient le principe de "Chine unique" ?

Le Point 12.12.2016 : Face à Donald Trump, la Chine voit rouge

Le Figaro 12.12.2016 : Pékin inquiet face aux déclarations de Trump sur la "Chine unique"

Le Parisien 12.12.2016 : Trump et Taiwan : la Chine "gravement préoccupée"

L'Express 12.12.2016 : Pékin menace la "Chine unique", Pékin "préoccupée"

 

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