Corée du Sud : L'opposition exige des excuses du Chef de l'Etat pour le naufrage du ferry
La démission du Premier ministre Sud-coréen ce dimanche n'est pas une surprise. Le chef de gouvernement étant l'un des fusibles de la démocratie coréenne lorsque la tension sur le pouvoir devient trop forte : « J'ai présenté mes excuses pour avoir été incapable d'empêcher cet accident de se produire a affirmé Chung Hong-won, et incapable (surtout) d'en gérer correctement les suites ». Cette démission a déclenché les foudres de l'opposition, qui désormais demande à ce que le Chef de l'Etat formule des « excuses »
Caricature publiée sur twitter montrant la présidente sur l'un des zodiacs de la police maritime. Les élèves prisonniers à l'intérieur du ferry appellent au secours
Plusieurs choses n'ont pas fonctionné dans les minutes et les heures qui ont suivi le chavirage du Sewol le 16 avril dernier en Corée. 475 passagers, pour la plupart des lycéens et leurs professeurs, effectuaient un voyage vers la grande île de Cheju. Les deux tiers ne sont pas rentrés de la sortie scolaire. Les derniers bilans ce dimanche soir font état de 188 morts et 114 disparus.
Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? 1. Les règles d'évacuation des passagers du ferry n'ont pas été respectées par l'équipage. 2. Les autorités ont communiqué des informations erronées sur le naufrage, affirmant dans un premier temps que tous les passagers étaient sauvés. 3. La presse a transformé le tout en bouillie médiatique a mesure que s'emballait le compteur des morts et disparus. 4. Enfin les secours n'ont pas semblé suffisamment nombreux ou en tous cas suffisamment organisés pour sauver au moins une partie de ceux qui pouvaient l'être encore à l'intérieur du Sewol dans les premières 24 heures.
Tous ces dysfonctionnements ont semé le doute chez les familles des lycéens du Sewol. Un doute partagé aujourd'hui par une partie de l'opinion coréenne et utilisé par l'opposition.
L'opposition dénonce des "grands médias" "relais" de la parole officielle.
Pas d'union nationale
L'opposition n'a pas digéré sa défaite face à Park Geun-hye lors de la dernière présidentielle, elle entretien depuis la flamme de la contestation sur les réseaux sociaux et dans des manifestations régulièrement organisées pour dénoncer « une confiscation du pouvoir » par la fille de l'ancien dictateur Park Chung-hee.
Une obsession qui parfois frôle le harcèlement numérique et qui reprend de plus belle ces jours-ci. Quelques jours après le naufrage les premières caricatures ont envahi les réseaux sociaux. La présidente étant décrite comme une reine froide éloignée de ses sujets plongés dans le malheur.
Affiche opposants: Le gouvernement Park coule.
On est ici loin très loin de l'union nationale. Face à la gestion pour le moins erratique de la tragédie par les autorités, l'opposition n'a pas eu besoin de chercher loin pour dénoncer les failles en matière de communication et dans l'organisation des secours.
La démission du premier ministre ce matin a été jugée par ailleurs « irresponsable »par Ahn Cheol-soo. Le coprésident de la formation d'opposition Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD) demandant maintenant à ce que le Chef de l'Etat formule des « excuses auprès des familles » de victimes.
Caricature publiée sur Twitter. La présidente console un parent d'élève disparu : Les secours sont arrivés en retard car on avait une alerte avec la Corée du Nord.
Enquête sur les secours
S'excuser serait reconnaître la responsabilité de l'Etat dans les suites du naufrage et pour l'instant aucune excuses n'est venue de la « maison bleue », le palais présidentiel coréen. Au delà de l'enquête sur l'armateur du Sewol (Cheonghaejin Marine Compagny) et sur l'équipage du ferry, la police maritime et le centre de gestion du trafic maritime de l'île de Jindo sont également soumis aux questions des enquêteurs.
Vidéo des dernières minutes du ferry récupérée dans un téléphone portable trouvé sur le corps d'un lycéen
Une fois les téléphones des lycéens récupérés dans le navire (il faudra probablement plusieurs mois pour que les grues remontent le Sewol), eux aussi seront étudiés pour savoir jusqu'à quel moment les élèves ont tenté de communiquer et donc jusqu'à qu'elle heure il était encore théoriquement possible de les sauver.
L'enquête sera longue et très douloureuse pour des familles déjà écrasées par le malheur. Les 6825 tonnes du ferry ayant emporté avec elles de nombreux éléments permettant de reconstituer précisément les minutes du drame. En attendant, la catastrophe a fait perdre quelques points de popularité à la présidente Park Geun-hye dans les sondages, mais le parti conservateur (Saenuri) semble toujours aborder les municipales du 4 juin prochain en position de force.
"Veuillez descendre du navire, vous n'êtes pas assez compétente"
Ce qui n'empêche pas la désapprobation d'une grande partie de l'opinion. Le premier ministre a été bousculé a chaque fois qu'il a tenté de visiter les familles, jusqu'à recevoir une bouteille d'eau lors de sa dernière apparition au gymnase. Les proches des victimes étant furieux à l'encontre de l'administration qui aurait mis trop de temps à intervenir. « Le gouvernement fait actuellement l'objet de vives critiques pour sa gestion initiale du naufrage précise l'agence sud-coréenne Yonhap. Les familles l'accusent notamment de n'avoir pas fait assez et de pas avoir réagi rapidement pour secourir les victimes. »
Rassemblées sur le port de Pangmok, face à une mer impassible, de nombreux proches des victimes avaient toutefois autre chose à faire que réagir aux micros qui leur ont été présentés cet après-midi indique la chaîne publique KBS. Chaque jour ne suffit pas malheureusement à soulager la peine de ces familles. A mesure que le temps passe, la réalité du destin des disparus se fait plus cruelle. Plongées dans la plus grande détresse, la plupart sont en effet a mille lieues des atermoiements politiques des uns et des autres.
*La plupart des dessins illustrant ce billet sont extraits du journal Hankyoreh
Le temps de la radio et ses formats sont parfois réducteurs pour raconter une région où tout change tout le temps.
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