Après les Japonais, les Sud-coréens ont donc voté pour un retour vers le passé. Au terme d’une présidentielle au coude-à-coude dans les derniers jours, la chef de file des conservateurs, Park Geun-hye, 60 ans, l’a finalement emporté par 51,6 % des voix contre 48,4 % pour son adversaire du centre gauche, Moon Jae-in, 59 ans. La Corée du Sud a ainsi élu la première femme présidente de son histoire. Une fille à papa.
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Une curieuse atmosphère, vintage et glacée, flottait ce soir non loin du palais des empereurs au nord de Séoul. Comme hier soir pour son dernier discours de campagne, Park Geun-hye a donné rendez-vous à ses supporters pour trois minutes de discours. Echarpes rouges autour du cou, le même public âgé que celui qui se trouvait une heure plus tôt devant le siège du parti "Seanuri" (la Nouvelle Frontière), a tenté de chasser les moins six degrées au thermomètre en donnant de la voix : "Park geun-hye, présidente ! Park Geun-hye, présidente !" La mobilisation des nostalgiques de la dictature, l'a emporté sur celle de la jeunesse.
On retiendra huit enseignements de ces présidentielles 2012 :
► La Corée du Sud a vieilli. Voilà longtemps qu’on sait que la pyramide des âges a ici une tête de champignon avec un maximum de personnes âgées et un déficit de naissance. Une partie de la pyramide est d'ailleurs arrivée ce soir avec la flamme vacillante. Devant le siège du parti de Park Geun-Hye à Séoul, une forêt de mains tremblantes tenant des bougies dans des gobelets en carton renversés. Les plus de 65 ans représentent déjà 7 % de la population, -jusqu'à 20 % dans le sud-. Et en 2016, la Corée du Sud devrait devenir, avec le Japon, le pays qui compte le plus de seniors. Park Geun-hye leur doit la victoire. C'est la mobilisation des anciens qui a fait basculer le scrutin affirment les médias sud-coréens. Le taux de participation des plus de 50 ans a en effet atteint dimanche les... 89,9 %.
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► Les jeunes se sont mobilisés, mais pas assez pour assurer la victoire du centre gauche qui n'est pas parvenu à rassembler. Déçus par l’abandon du centriste indépendant Anh Chul-soo, beaucoup ne se sont pas retrouvés dans la candidature de Moon Jae-in, accusé lui aussi d’être un homme du passé. Avec 75 % de participation, les perdants n’ont toutefois pas à rougir. Alors que Park Geun-hye a été longtemps donnée favorite par les grands médias, le centre gauche a pu combler son retard en mobilisant les électeurs notamment via les "autoportraits au smart phone" dans l'isoloir («In Jeng Shot »). Ces élections ont révélé une vraie fracture générationnelle dans le pays.
► A l'image de la Corée du Nord, la Corée du Sud aime les dynasties. C'est d'ailleurs parait-il ce que confiaient les officiels chinois à leurs hôtes étrangers lors de la succession à Pyongyang il y a un an. On imagine que dans le pays des fils à papa juste en face, Kim junior a dû s’en griller une en apprenant la nouvelle. Park contre Kim, le retour ! L'affiche du nouveau blockbuster coréen est prometteuse. Car Park Geun-hye est bien la fille de son père, même si elle a eu dû mal à reconnaitre pendant la campagne, les crimes commis par ce dernier. « Les Coréens ont oubliés les massacres de Kwangju s'indignaient ce mercredi certains internautes via leur compte twitter : « Nous nous sommes battus contre le dictateur et voici que sa fille revient !" Des messages envoyés depuis la capitale de la province du Jeolla du sud, bastion traditionnel de la gauche coréenne. Le sud-ouest est en effet la seule région où Moon Jae-in arrive largement en tête.
Park Chung-hee a gouverné la Corée d’une main de fer de 1962 à 1979, date de son assassinat par l'un de ses amis de la KCIA (la police secrète sud-coréenne). Celui qui adopta la constitution "yusin" pour tenter de légaliser l'autocratie, est aussi considéré par les nostalgiques de l'époque comme l'artisan du "miracle économique sud-coréen". « Park Geun-hye va protéger l’intégrité du pays, sans elle on risquait de devenir communiste » nous ont confié ce soir plusieurs retraités à l’écharpe rouge. Orpheline de père et de mère, célibataire endurcie, l'ancienne étudiante à Grenoble promettant de s'engager totalement dans ses nouvelles fonctions.
► Relations Nord-Sud. L'une des tâches principales étant d'améliorer les relations avec la Corée du Nord tombées au plus bas depuis 2008. Pour la presse chinoise, l'objectif est devenu un impératif pour les deux camps d'ailleurs. Quelque soit l'issue du scrutin, c'est blanc bonnet et bonnet blanc disaient ainsi ce matin la plupart des journaux à Pékin. Les deux candidats partagent en effet a peu près la même vision sur la conduite à tenir vis-à-vis de Pyongyang. Park comme Moon ne veulent pas s'enferrer dans la radicalité du gouvernement précédent qui a gelé la relation entre les deux pays, sans revenir toutefois à la politique dite du "soleil qui brille" et donc du réchauffement prônée par l'ancien président et prix Nobel de la paix Kim Dae-jung au début des années 2000. Mais il pourrait y avoir des surprises : Park Geun-hye a promis d’organiser un sommet avec le Nord d'ici à la fin de son mandat.
► Pour la première fois, la Corée du Sud élit une femme présidente. Dans une société encore très patriarcale, Park Geun-hye a su entraîner derrière elle de nombreuses associations féministes pendant la campagne. Ryu Jae-soon est institutrice, elle a pris le métro depuis la grande banlieue de Seoul pour célébrer la victoire de Park devant le QG du "Sanuridang" (son témoignage ci-dessous).
►Le poids des grands conglomérats. Cicatrice sur un visage austère, Park Geun-hye a tenu pendant la campagne à se démarquer de son prédécesseur Lee Myung Bak qui a dirigé le pays comme une entreprise. Elle a notamment évoqué l'idée d'une nécessaire "démocratisation économique" en visant un système basé encore sur les "chaebols" fondés sous son père. Les grands conglomérats sud-coréens touchent à tous les secteurs de la société, de la production d'acier au papier toilette, en passant par les écrans plats, les assurances, la téléphonie mobile etc. Problème : Ils ne sont plus suffisement créateurs d'emplois et un coup de pouce doit surtout être donné aujourd'hui aux PME. Un programme auquel ne croit pas l'opposition qui accuse la nouvelle dame de fer sud-coréenne de chercher à dissimuler sous des promesses son ultralibéralisme.
► Soirée électorale exotique et arrosée. Les résultats étant annoncés comme très serrés, le scrutin du jour a rempli les estaminets et les bars de Séoul qui pour certains proposaient des réductions aux votants. Chose rare dans ce pays au tempérament latin, pendant les trois heures qui ont suivi la clôture des bureaux de vote on a entendu les baguettes voler dans les restaurants. Les Coréens qui aiment savourer le plaisir d’être ensemble en trinquant et en parlant fort étaient ce soir silencieux ! Tous les regards étaient fixés sur de bavards écrans plats, qui ont égréné des heures durant les pourcentages régions par régions. C'est le côté exotique des soirées électorales en Corée. Ici les télévisions n'organisent pas de débats, mais proposent des animations parfois surprenantes pour meubler l'attente des résultats.
La chaine SBS proposait ainsi de suivre des candidats en tenue d'explorateur -façon "Aventuriers de l'Arche perdue"-, apparaissants et disparaissants en fonction de leur score ! La télévision MBC avait de son côté, optée pour le thème de la cuisine. Pas sûre que cela suffise a calmer les angoisses de part et d'autres ; compte tenu du peu d'écart entre les candidats, aucun des deux camps n'a pu manifester sa joie avant le dépouillement de 90 % des bulletins 4 heures après la clôture des bureaux vote.
►Fracture générationnelle. La gueule de bois des jeunes Coréens au lendemain du vote s'est traduite par une avalanche de messages sur les réseaux sociaux.
"Les 50 - 60 ans ont gagné, je ne laisserais plus ma place aux personnes âgées dans les transports en commun"disent les jeunes déçus. Un référendum a même été lancé sur internet avec pour objectif de supprimer les privilèges accordés aux 50 - 60 ans.
Au delà de la déception du moment, ces réactions constituent une petite révolution dans un pays resté longtemps marqué par le confucianisme et le culte des ancêtres.
21st Century Business Herald 21 décembre 2012. Le quotidien économique chinois signale la première réunion informelle de lPark Geun-hye avec les ambassadeurs chinois, japonais et russe à Séoul signe note le journal d’une volonté de coopération pour faire avancer le dossier nord-coréen. La Présidente a pour ambition de réduire les tensions dans la péninsule affirme encore le journal.
Le journal de la Jeunesse de Pékin (21 décembre 2012) estime de son côté que l’engagement total de la Présidente à ses nouvelles fonctions (elle a fait valoir hier que n’ayant ni mari, ni père, ni enfant, les affaires d’Etat seraient sa seule cause) devraient renforcer la confiance de la population.
merci de nous actuliser aussi bien sur l'actu du côté de l'Asie.. domage que les sud-coréens préferent un parti conservateur à un parti de guache. l'idéologie de la guerre froide fonctionne encore. bem, disons aussi que l'élection d'une femme ne veut pas toujours dire une avancée démocratique
En quelques mots
Le temps de la radio et ses formats sont parfois réducteurs pour raconter une région où tout change tout le temps.
Au travers de ce blog, je vous invite à partager mes rencontres, mes voyages et les 1000 petits riens qui font le quotidien, forcement subjectif, d’un passionné d'Asie.
1 Comments
merci de nous actuliser aussi bien sur l'actu du côté de l'Asie.. domage que les sud-coréens préferent un parti conservateur à un parti de guache. l'idéologie de la guerre froide fonctionne encore. bem, disons aussi que l'élection d'une femme ne veut pas toujours dire une avancée démocratique