Corée du Sud : des manifestations en chansons

Plus de deux millions de manifestants dans les rues ce samedi 3 décembre en Corée du Sud. Comme chaque week-end depuis un mois et demi maintenant, les Sud-coréens réclament la démission de la présidente Park Geun-hye engluée dans un retentissant scandale politico-financier. Des manifestations jusqu'à présent festives et en chansons

C'est indéniablement le tube de ces manifestations du samedi en Corée du Sud. "Park Gueun-hye, Aya !" "Park Geun-hye, démission !" Le slogan sert ici de refrain à ce clip du chanteur Yoon Min-sok. Postée une première fois sur Facebook le 8 novembre dernier, la vidéo est diffusée sur les écrans géants à chaque manifestation et détrônerait presque les célébrités de la K-pop.

Chant des manifestants

Très engagé à gauche, son auteur est connu pour avoir chanté les louanges du leader nord-coréen Kim Il-sung ou encore, pour son peu nuancé "Fucking USA". Il revient aujourd'hui avec un titre plus fédérateur qui reprend les éléments du plus vaste scandale politique qu’ait connu la Corée contemporaine. La chef de l'Etat est soupçonnée d'avoir été manipulée par sa confidente de l'ombre que certains comparent à une chamane, cette dernière étant elle-même accusée de trafic d'influence et de corruption.

Le chant des manifestants est intitulé ironiquement : "C'est ça la Corée ?" -littéralement "C'est ça le pays ?". Sur un rythme soutenu, le clip mêle les dessins de l'artiste Lee Ha, aux images fixes et animées. On y retrouve la présidente avec sa confidente dans le cerveau. On y découvre également des images du ferry Sewol, dont le naufrage a provoqué la mort de près de 300 lycéens en avril 2014. Lee Ha raconte qu'il a beaucoup pleuré à la mort des lycéens. Les jeunes victimes du naufrage sont grimpés sur le dos d'une baleine dans le clip, symbole de resurrection.

Chorégraphie

Chantée à plein poumons dans les manifestations, la chanson est reprise aujourd'hui sous forme de chorégraphie (voir sur le site de la confédération des syndicats coréens KCTU et ci-dessous).

Cette fois, il s'agit de parodier une initiative de la chef de l'Etat qui, en janvier 2015, proposait à la nation de renouer avec les grandes chorégraphies de l'époque de la dictature, quand le pays tout entier était dévoué à la réalisation du "miracle économique" coréen. Problème :  le très officiel "Neul Pum Chae Jo" -que l'on pourrait traduire par "développer sa force de caractère"-, non seulement "ridiculise le pays" selon ses détracteurs, mais en plus il aurait coûté un bras, voir deux jambes, aux contribuables. Un dossier dans lequel apparaît, là aussi, la sulfureuse conseillère de l'ombre, souvent représentée en habits blancs et lunettes de soleil sur les cheveux. 

Bataille d'écrivains

Paradoxalement, c'est ce côté orchestré et chorégraphié des rassemblements géants contre la présidence qui dérange l'écrivain Yi Munyol. Dans la presse, l'auteur de "Le Poète" ou de "Notre héros défiguré" dit ne pas apprécier ces manifestations en chansons qu'il compare aux chorégraphies de masse organisées en Corée du Nord. Les photos de cette foule en marche portant bougies à la main a fait la Une des médias du monde entier.

La mer de feu des manifestants illumine d'autant plus la nuit séoulite, que les habitants et les commerçants observent, non pas une minute de silence, mais une "minute dans le noir" au passage du cortège. Le fait d'éteindre les néons pendant une minute à 20 h précises permettant de faire ressortir la lueur des bougies. Un  phénomène qui serait loin d'être spontané selon l’écrivain. L'icône de la droite conservatrice voit dans les manifestants des "machines" et considère qu'à peine 3% de la population sud-coréenne participe à ces rassemblements aux chandelles. Et encore, poursuit l'écrivain dans des propos rapportés par le journal Money Today, "il faut pour cela compter les collégiens et les bébés."

"La voix du million"

Le refrain du "tous contre Park Geun-hye" plaît beaucoup en revanche à Hwang Sok-yong, lui aussi vieil écrivain sud-coréen connu au-delà des frontières. L'auteur de "l'Invité" et de "Monsieur Han" a participé au rassemblement du samedi 12 novembre dernier qui a battu un record d'affluence, avec pour la première fois en trente ans un cortège de plus d’un million de manifestants dans les grandes avenues du nord de Séoul. Une bataille d'écrivains via des tribunes dans les médias. Dans un article publié deux jours après l’événement et intitulé "la voix du million construit une nouvelle histoire", Hwang Sok-yong décrit son émotion autour d'un événement qui lui rappelle les grandes manifestations des années 80 contre la dictature.

L'icône de la gauche raconte également ces bébés dans les poussettes qui "dorment sereinement malgré les bruits alentours", ou encore ces vieux couples reprenant les chansons protestataires d'autrefois. L'auteur en sait quelque chose, c'est lui qui a écrit les paroles du célèbre chant militant "Im eul wi han hang jin kok" (vidéo ci-dessus). Là encore, un tube de ces manifestations du samedi en Corée du Sud.

 

 

 

Actualisation du billet :

 

Pour diffuser ses caricatures de la présidente Park, le dessinateur Lee Ha est passé par des bénévoles (108 au départ) qui ont redistribué à leur tour ses posters. 4 d'entre eux ont été interpellés par la police, avant d'être relachés. Lire la suite sur OhMyNews.

 

Lee Ha 2014 Park Geun-hye, gae pan

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