Corée du Sud : La peur d'un méga séisme gagne du terrain

Après plus d'un demi-siècle passé avec des missiles musudan collés sur la tempe, forcément on finit par ne plus croire au loup ! Ce n'est pas la guerre thermonucléaire promise par la Corée du Nord voisine qui fait peur aux Sud-coréens aujourd'hui, mais les tremblements de terre. Fukushima a laissé des traces : certains s'inquiètent d'un scénario à la japonaise qui entrainerait panne ou explosion dans un ou plusieurs des vingt-trois réacteurs nucléaires que compte le pays.

« Tam, ta lam, tam, ta ta lam, tam poum ! » La sonnerie Kakaotalk n'a décidément pas fini de chanter. Même lorsque vous vous trouvez à l'étranger, l'application de téléphonie mobile numéro un en Corée du Sud est encore la meilleure façon de prendre des nouvelles du pays. Mais depuis quelques jours,au bout du smartphone le ton a changé. Belle sœur, beau frère et amis sont inquiets. Depuis le 12 septembre et les deux séismes qui ont frappé coup sur coup la ville de Gyeongju à l'est du pays, les Coréens craignent de nouvelles secousses. « J'ai appelé des amis japonais qui m'ont conseillé de préparer un sac léger, avec une bouteille d'eau, une lampe de poche et une couverture de survie confie ainsi Sang-yeong. Âgée de 56 ans, cette amie employée d'une chaine de télévision à Pusan (sud du pays) affirme ne plus avoir confiance dans les propos rassurants des autorités. « On a peur de rentrer chez soi après le travail ajoute-elle. On discute avec les collègues des moyens de se protéger, on ne peut plus compter sur le gouvernement pour nous aider. »  

Auto-protection

L'angoisse numéro 1 est celle d'un tremblement de terre majeur qui ferait s’effondrer les forêts « d'appateu », ces barres d'immeubles bon marché et numérotées que les « chaebols » ont fait pousser jusque dans les montagnes du sud de la Péninsule. Sur les réseaux sociaux, certains indiquent qu'ils ont accroché des messages de sécurité et la conduite à tenir en cas de tremblement de terre dans l'entrée de leur immeuble. D'autres qu'ils ont téléchargé une application japonaise signalant l’imminence des catastrophes sur leur smartphone de manière a être alerté au plus vite. Depuis le naufrage du ferry Sewol et la mort de près de 300 lycéens le 16 avril 2014, une partie de l'opinion publique se méfie de la parole officielle et des institutions. « On s'est moqué de nous quand nous avons évoqué cet été l'apparition de fourmis sur la plage et des odeurs de gaz poursuit Sang-yeong. Depuis, il y a eu le séisme de Gyeongju, c'est la preuve que nous devons compter sur nous même pour nous protéger. » La tragédie de Fukushima est aussi passée par là. Pendant de longues semaines après la catastrophe, de nombreux habitants de Pusan se sont privés de l'un de leurs mets préférés. Selon certains à l'époque, le poisson cru risquait d'être contaminé par les rejets radioactifs en mer de la centrale japonaise. Un rapport commandé par le ministère de l’Economie et publié en novembre 2013 montrait ainsi une nette perte de confiance dans l'atome. Les Sud-coréens n'étaient plus alors que 35 % à juger l'électricité nucléaire sûre, contre 71 % en janvier 2010, sachant que la réputation en matière de sécurité des centrales est régulièrement entachée par les scandales de corruption qui affectent l'ensemble de la filière.

Centrale nucléaire en ville

Manque de bol : la faille de Yangsan qui traverse le sud-ouest du pays est bordée de réacteurs ! La centrale nucléaire de Wolsong (6 réacteurs) mais aussi et surtout celle de Gori (8 réacteurs) située à moins de trente kilomètres du port de Pusan. La « montagne chaudron » en caractères chinois porte bien son nom. La deuxième ville du pays et ses 3,5 millions d'habitants a été pas mal secouée par les répliques de ces derniers jours. Mais la Corée du Sud n'est pas le Japon en matière de sécurité. Et si la Péninsule a beaucoup moins de risque d'être touchée par l'un de ces mégas séismes auxquels est confronté l'Archipel, cela n'empêche pas de s'inquiéter pour la sécurité chez soi et sur son lieu de travail. L'agence Yonhap recommandait ainsi récemment de ne pas suivre les consignes japonaises en cas de séisme, sachant que s'abriter sous une table ou un bureau n'a pas grand sens lorsque c'est l’ensemble de l'immeuble qui s'effondre. « Toutes les nouvelles constructions de plus d'un étage devront répondre à des normes sismiques » exhortait encore ce mardi 20 septembre l'agence officielle sud-coréenne. Un avis public doit être rendu à ce sujet jeudi. Une manière de ne pas dire que de nombreux édifices en Corée du Sud ne répondent pas complètement aux normes antisismiques. Même chose probablement pour le parc nucléaire. De quoi renforcer l’appréhension de la population à quelques semaines du baccalauréat qui, en Corée, se tient en novembre.

 

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