Corée du Sud : Les amoureux du Sewol

Nul ne sait quelle était la nature de leurs sentiments, le lien était toutefois suffisamment fort pour que ces deux adolescents soient retrouvés attachés via leurs gilets de sauvetages dans le ventre du Sewol. L'histoire racontée par un plongeur a ému toute la Corée. Voilà maintenant dix jours que le ferry a été avalé par la mer froide de l'île de Jindo au sud de la péninsule. Le naufrage a fait 300 morts et  disparus, pour la plupart des lycéens.

Dessin Kyunghyang journal

 
L'histoire a d'abord été rapportée par le journal Kyunghyang hier matin, avant de faire le tour des réseaux sociaux, puis d'être traduite en anglais et reprise sur le fil des agences. L'homme de 58 ans témoigne de manière anonyme. Ce jour là, le plongeur volontaire en est à sa troisième descente dans le navire englouti et explore le hall des passagers du ferry. C'est là qu'il découvre le corps d'un jeune homme. Après avoir joint les deux mains en signe de prière, le plongeur tente de le tirer vers lui. Il se rend compte alors que le gilet de sauvetage du noyé est relié par une corde à celui d'une jeune fille. « C'est le moment le plus déchirant de toute ma vie a t-il expliqué (…) Ces deux là ne voulaient pas se séparer. Mon cœur était brisé. J'ai senti toutes mes forces me quitter, j'ai dû remonter à la surface pour reprendre mes esprits, et revenir les chercher. »

 

 Doigts cassés

Dessin diffusé sur Twitter par @kkomsu10000

L'homme qui a raconté cette histoire au journal Kyunghyang, fait partie des plus de 500 plongeurs volontaires qui, nuit et jour, remuent (offi)ciels et mer pour pouvoir plonger et replonger à la recherche des disparus. Il faut avoir la foi pour faire ce travail, il faut aussi avoir le cœur bien accroché pour tâtonner dans les eaux noires à la recherche des corps des lycéens emportés par le ferry. Les témoignages de ces plongeurs se suivent et se ressemblent malheureusement. A ce jour aucun survivant n'a été découvert dans le navire, et il faudrait maintenant un vrai miracle pour qu'il en soit autrement. Les récits publiés par les journaux en Corée parlent de "corps flottants dans les couloirs ou les cabines du navire", d'autres de corps recroquevillés « comme des bébés ». Autre signe terriblement poignant et qui traduit le cauchemar vécu par ces lycéens, la plupart des adolescents ont été retrouvés avec «les phalanges cassées» indiquent de nombreux plongeurs, preuve des efforts désespérés réalisés par ses jeunes, qui pour agripper une échelle, qui pour tenter de casser un hublot, qui pour remonter un couloir, et vouloir ainsi échapper à la noyade. 

 

Antigone de Corée

 
La Corée ne veut pas d'une nouvelle Antigone. L'heure est à la recherche des disparus confiaient encore cet après-midi les garde-côtes. Les grues chargées de remonter le navire devront patienter pour laisser les plongeurs travailler. Même si certains veulent croire encore au miracle et à des poches d'air dans le bateau, pour la majorité des parents des victimes désormais il s'agit d'abord de retrouver le corps des adolescents pour pouvoir espérer faire leur deuil, si toutefois un tel deuil est possible. Toute la Corée est avec les familles du Sewol. Depuis plus d'une semaine maintenant, des rubans jaunes ont fleuri dans les rues des grandes villes, signe à la fois de soutien aux proches des passagers du ferry et d'espoir de voir revenir ceux qui ont disparu. La couleur fait-elle référence au ruban jaune des mères et des épouses de soldats partis au front, à l'esprit de l'eau-delà des chamans coréens et ou à l'effet papillon (un petit mouvement peut créer un grand miracle),  elle est en tous cas devenue le symbole d'un pays confronté à la tragédie et qui se dit aujourd'hui impuissant.

 

"Désolé, les enfants"

 
"Désolé, les enfants" est le message qui revient le plus sur internet, comme sur les post-it laissés par les visiteurs des mémorials dressés à Jindo, Ansan et dans la plupart des grandes villes coréennes. Même la géopolitique, d'habitude très présente dans les journaux des Balkans de l'Asie, a aujourd'hui bien du mal à reprendre sa place. Les condoléances tardives de la Corée du Nord, comme celles de Barack Obama en visite à Séoul, laissent une grande partie de l'opinion indifférente. Comment panser les plaies et la douleur des familles de disparus ? Comment penser l'avenir après une telle catastrophe ? Sur le web aussi, une avalanche de rubans jaunes semble pour le moment la seule réponse.  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

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