Le « rêve chinois » est celui d’une Chine en construction. Depuis juillet dernier, le slogan du président Xi Jinping est sur toutes les palissades, sur tous les chantiers. Une campagne de propagande à l’échelle du pays et sensée incarner l’aspiration du peuple représenté par des personnages inspirés du folklore traditionnel.

 

 

Malgré nos demandes, il nous a été impossible de connaitre le budget de cette campagne menée à l’échelle du pays et déclinée sur internet. On sait en revanche, qu'une dizaine de graphistes ont été choisis par CNTV (China National Network) dont le « studio de sculptures en terre de Tianjin » qui a produit deux des dix-neuf affiches sélectionnées.

 

 

 

« Autrefois le parti avait recours aux célébrités » pour s’autocélébrer, « aujourd’hui notre objectif est de servir le peuple » nous explique Fu Changsheng des studios de Tianjin. Un retour au vieux slogan communiste qui donne le ton de cette campagne. Sous un vernis moderne, les vieilles recettes refont surface.  

 

 

 

Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant... Cette campagne est accompagnée d’un ouvrage destinée à « dissiper les malentendus » autour du « rêve chinois » précise Chine Nouvelle. Le rêve chinois n’est pas « celui « d’un pays replié sur lui », mais il n’est pas non plus « hégémonique » -sous entendu comme l’American Dream de l’Oncle Sam-.    

  

 

 

Depuis qu’il est devenu secrétaire général du parti communiste chinois, Xi Jinping est l’homme du parler simple, du sans cravate, de la lutte contre la corruption à tous les niveaux du parti (lire à ce sujet « la nouvelle bande des quatre »). Mais éviter le jargon ne veut pas dire parler vrai ; ne pas mettre de cravate le week-end ne signifie pas changer de costume ; et lutter contre la corruption peut être aussi un moyen commode de se débarrasser de ceux qui gênent au sein du parti.

 

 

 

Et pendant ce temps là, les réformes attendues ne viennent pas ou en tous cas pas assez vite au goût de certains. Depuis le début de la transition l’hiver dernier, tous ceux qui faisaient preuve d’impatience ont été muselés. Car les interpellations ne frappent pas que le haut de la pyramide dans le cadre de la lutte anti-corruption, elles visent aussi les opposants. Cela a commencé par la révolte des journalistes du groupe de presse Nanfang contraints de se taire en février dernier. 

 

 

 

Puis, ce fut la mise au pas des comptes « grand V » (verified), les célébrités chinoises du web qui sont aussi souvent des célébrités tout court d’ailleurs. Les intellectuels du « mouvement citoyen » prônant entre autre le respect de la constitution et la publication du patrimoine des dirigeants ont été arrêtés. Et aujourd’hui, la répression devient plus sévère à l’encontre des internautes accusés de diffuser des « rumeurs ». 

 

 

 

Au-delà de l’aspect esthétique, c’est donc le fond de la campagne qui est attaqué par les internautes. « La nouvelle campagne de lavage du cerveau a commencé dans toutes les grandes villes chinoises » écrit ainsi un lycéen du Guangdong qui dénonce le manque de « logique » dans les slogans en prenant quelques exemples.

 

 

 

Slogan numéro 1 : "La Chine accompli son rêve, le peuple chinois a de la chance". « C’est tout l’inverse  s’emporte le lycéen ! Si les Chinois n'ont pas de chance, comment la Chine peut-elle accomplir son rêve ? » Slogan numéro 2 : "Il n'y a pas de famille sans le pays." Et quoi encore râle le jeune homme, comment un pays peut précéder les individus et les familles qui le composent ?

 

 

 

« Le rêve chinois est partout même au supermarché se moque un autre internaute, avant d’écrire sa liste de course : « Moi je rêve d’une Chine où 1. L'éducation serait gratuite. 2. Il ne serait pas nécessaire de supplier les gens quand on cherche un emploi. 3 Les médecins ne prendraient pas d'argent. 4 Les aliments ne seraient pas empoisonnés. 5 Les médias diraient la vérité. »

 

 

 

«  6 Les professeurs ne seraient pas bornés. 7 Les fonctionnaires ne recevraient pas de pots-de-vin. 8 Les Chengguan (police urbaine) ne frapperaient pas les gens. 9 On ne deviendrait pas célèbre en disant n'importe quoi. 10 Les démolitions forcées seraient interdites. 11 Le peuple n'aurait pas peur du pouvoir 12. Il n'y aurait plus de pollution etc..»

 

 

 

« Ces affiches nous rappellent tout ce qui a attisé les braises de la Révolution Culturelle critique encore un internaute, s'appuyant sur deux slogans suivants : 1. « Pourquoi la Chine est forte ? Parce qu'il y a le parti communiste chinois ! » 2. « Avec la politique d'ouverture, la vie est plus sucrée que le miel. » « On a l'impression d'être revenu avant les réformes poursuit ce même internaute sur le réseau social sina weibo. Aujourd'hui, on n'a pas besoin de slogans, on veut des actes ! »

 

Parmi les actes attendus, la réforme de la constitution et plus grande liberté d’expression permettant au peuple de contrôler ses élites. Cela va sans dire mais cela va mieux en le ressassant... Le rêve chinois est aussi celui des droits de l’Homme assurent les experts convoqués par l’agence Chine Nouvelle. Difficile à croire... Sur les affiches, on voit bien l’homme et le peuple incarné par ces figures colorées, mais les droits élémentaires sont toujours absents du tableau. Depuis plusieurs semaines maintenant, des avocats, des bloggeurs, des journalistes, des hommes d’affaires sont arrêtés en Chine simplement pour avoir osé énoncer leur vision du rêve chinois. 

 

 

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