En apparence les transitions sont donc plus harmonieuses à la direction du PCC qu’à celle de l’UMP. En Chine, sept hommes ont pris la relève à la tête du parti unique qui gouverne le pays depuis 1949. Dans un pays passionné par les chiffres, la nouvelle équipe dirigeante est aussi une nouvelle bande des « 4 »
Il n’y a que quelques marches à monter, mais la moquette est aussi rouge que le tapis du Palais des festivals et les photographes sont presque aussi nombreux que sur la croisette. Là aussi, le générique est déjà connu. Les sept membres du nouveau comité permanent du bureau politique du comité central du Parti communiste chinois qui se sont présentés devant les caméras jeudi 15 novembre au Palais du peuple étaient tous dans la short liste des médias étrangers et hongkongais depuis près d'une semaine.
Photos SL
Avec par ordre d’apparition :
Le numéro 1, Xi Jinping, 59 ans, nouveau Secrétaire général du Parti et futur Président de la République Populaire de Chine.
Numéro 2, Li Keqiang, 57 ans qui sera nommé Premier ministre en mars prochain.
Numéro 3, Zhang Dejiang, 66 ans. Diplômé de l’Université Kim Il-sung à Pyongyang, il est pressenti pour la Présidence de l’Assemblée nationale du Peuple.
Numéro 4, Yu Zhengsheng. A 67 ans, M. Yu pourrait s’occuper de l’autre assemblée, la Conférence consultative du peuple.
Numéro 5, Liu Yunshan, 65 ans, est chargé de la propagande.
Numéro 6, Wang Qishan, 64 ans. Le pompier de l'économie chinoise a été nommé chef de la Commission de discipline du Parti.
Numéro 7, Zhang Gaoli, 66 ans, vice premier ministre chargé de l’économie.
4 Princes rouges
Parmi les sept nouveaux « empereurs » de Chine, quatre sont des fils de hauts dirigeants.
Le père de Xi Jinping, Xi Zhongxun est un ancien vice-président du pays.
Le père de Yu Zhengsheng, Yu Qiwei a été le premier maire de Tianjin.
Le beau-père de Wang Qishan, Yao Yilin est un ancien vice-premier ministre et fait partie des fondateurs de la RPC.
Le père de Zhang Dejiang, Zhang Zhieyi était général de l’Armée Populaire de Libération.
4 Jeunes instruits
Parmi les sept membres de la nouvelle direction du PCC, quatre sont des anciens « zhiqing » envoyés à la campagne sous la révolution culturelle. Autrement dit, comme près de 17 millions de Chinois, ils ont fait partie du mouvement des « jeunes instruits » -1968 à 1980- avec pour objectif de devenir des « paysans socialistes d’un type nouveau » comme le voulait Mao.
Xi Jinping a été envoyé comme « jeune instruit » dans le district de Yanchun dans la province du Shaanxi
Li Keqiang, a fait partie d'une brigade de production du district de Fengyang dans la province de l’Anhui
Zhang Dejiang a été envoyé dans le district de Wangqing, dans la province de Jilin
Wang Qishan était "jeune instruit" dans le district de Yan’an dans la province du Shaanxi
4 Nordistes
Parmi les sept noms du nouveau comité permanent, quatre sont originaires du nord du pays
Xi Jinping est originaire de la province du Shaanxi
Zhang Dejiang vient de la province du Liaoning
Wang Qishan est né dans la province du Shanxi
Liu Yunshan à ses attaches familliales dans la province du Shanxi
4 signes du Cancer
Les Chinois étant également de grands passionnés d’astrologie, les internautes n’ont donc pas manqué de regarder sous quelle étoile étaient nés les nouveaux leaders, avec toutes les réserves que cela entraine. Les nouveaux dirigeants ne sont évidement pas sur Facebook (censuré en Chine) et les biographies officielles omettent systématiquement de signaler le jour anniversaire des membres de la direction du Parti, la vérité des astres est donc ici encore plus aléatoire. En attendant, selon le web chinois
Xi Jinping (Juin), Li Keqiang (Juillet), Liu Yunshan (Juillet) et Wang Qishan (Juillet) sont donc tous nés sous le signe du Cancer.
Ce qui a entraîné quelques plaisanteries sur Twitter : « L’époque des Hexie (crabes de rivières) est terminée, vive l’époque des Juxie (Cancer) écrit Luoyang ». Une manière peut-être d’espérer la fin de la censure, les crabes de rivières étant ici un terme détourné pour évoquer les censeurs.
4 protégés de Jiang Zemin
Parmi les sept, quatre sont considérés comme des protégés de l’ancien président Jiang Zemin.
Zhang Dejiang, le vice premier ministre et Secrétaire général du comité du PC de Chongqing est un proche de l’ancien Chef de l’Etat chinois.
Yu Zhensheng, le patron du Parti communiste de Shanghai est vu à la fois comme un protégé de Deng Xiaoping et de Jiang Zemin.
Concernant Liu Yunshan, c’est plus compliqué : Le directeur du département de la propagande est un protégé de Hu Jintao, mais c’est Jiang Zemin qui l’a promu au comité central.
Zhang Gaoli, le Secrétaire du PC de Tianjin doit en partie sa carrière au Vice-président Zeng Qinghong et à Jiang Zemin
4 Economistes
La nouvelle direction chinoise comprend au moins quatre partisans des réformes économiques.
Li Keqiang est apprécié pour sa maîtrise de l’anglais mais aussi pour son esprit pragmatique et ouvert. Le futur Premier ministre est l’un des défenseurs d’un nouveau modèle de croissance basé sur le développement de la demande et non plus seulement sur les exportations ; une croissance durable avec une aide aux classes moyennes et aux bas revenus notamment.
Wang Qishan. Connu pour son franc parler et sa volonté affichée de libéraliser le marché financier chinois, ce proche de l’ancien Premier ministre Zhu Rongji est le chouchou des milieux d’affaires chinois et étrangers. Peut-être un peu trop d’ailleurs… Pour ne pas faire de l’ombre au futur Premier ministre sur les questions économique justement, ce dernier a été placé à la commission de la discipline estiment certains analystes.
Zhang Gaoli a manifesté lors de son expérience sur la côte-est notamment, des orientations plutôt libérales.
Yu Zhensheng a mis en place des réformes dans le secteur privé lorsqu’il était en poste à Qingdao.
Changement de style
On retiendra qu’il s’agit d’une équipe conservatrice mais contrainte aux réformes sous peine de voir imploser le parti.
On retiendra encore les numéros discrets 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 photographiés sur la moquette du Palais du peuple.
On retiendra enfin comme les internautes chinois, cette mini révolution sur le plan de la forme : Xi Jinping a non seulement commencé par s'excuser pour son retard, il a aussi tenu à présenter ses copains
de tapis rouge comme des... "collègues » et non comme des "camarades" comme le voulait l'usage jusqu'alors.
Ce sont d'ailleurs les deux moments du discours qui ont été les plus retweetés. La chose n'a pas échappé par exemple à Li Mingsheng : « C’est la première fois dans l’histoire du parti que le secrétaire général appelle comme ça les autres membres du comité permanent » a expliqué l'écrivain.
Le nouveau Secrétaire général visiblement ne s’embarrasse pas du jargon communiste. Il a fait référence au peuple une dizaine de fois s’enthousiasme le Beijing News, ce qui n'est que la moindre des choses dans un parti qui a pour devise d'être "au service du peuple".
Jian Guangzhou sur son compte weibo donne lui sa propre appréciation du congrès : 简光洲:转:会议成果出来了: 1、眼镜摘了; 2、语速正常了; 3、普通话标准了; 4、一夫人拿得出 手了; 5、重大发现:XI主XI、LI总LI,正读反读都可以; 6、今年就业形势更差了,连CW 都少招了两个
1. Le nouveau Secrétaire général ne porte plus de lunettes. 2. Le débit de parole a ralenti. 3. Le niveau de mandarin a augmenté (Xi Jinping vient du Nord). 4. "La première dame est sortable". 5. Xi Zhu Xi (président Xi), Li Zong Li (premier ministre Li), les deux se disent à l'envers. 6. "La situation sur le front de l’emploi est grave. Même le nombre de Changwei (membre permanent du politburo) a été réduit de deux personnes".
Malgré ce changement de style, le pouvoir reste toutefois "un exemple à suivre" par les médias, ce qui ne devrait pas déplaire au chef de l’idéologie et farouche partisan d’un renforcement des contôles sur internet, le numéro 5 Liu Yunshan : « Les collègues journalistes doivent prendre Xi comme exemple et apprendre son style d’écriture simple, claire et précis estime ainsi Ying Zhanwu, le rédacteur en chef adjoint du journal de la bourse de Shanghai. Il suffit d’exprimer ses idées en évitant le jargon et la langue de bois. »
Voilà pour la forme, car pour le fond évidemment la lutte des places à tête du PCC est au moins aussi violente que dans les partis en Occident. Tous ceux qui n’étaient pas sur la moquette rouge en savent quelque chose : Le conservateur déchu Bo Xilai, le réformateur du Guangdong Wang Yang et probablement aussi Li Yuanchuao, le protégé de Hu Jintao…
Je voudrais bien savoir comment, dans un parti aussi apparemment monolythique, et par quels mécanismes internes on en arrive au choix de ces dirigeants dont on connaît le nom et le reste longtemps avant même qu'ils ne soient intronisés. Y a-t-il quelque part un "deus ex machina" qui orchestre ce jeu subtil dans la douceur ? Il est vraiment difficile d'admettre voire de comprendre comment arrivent à émerger ces leaders dans une telle (apparente) atmosphère de convivialité et de bonne humeur. Comme dans toute organisation himaine, il y a bien des riivalités, des conflits, des jalousies, des ambitions, non ?, Qui peut bien décider en dernier ressort ?? Sommes-nous dans un summum paradoxal de "démocratie" (secrête) ?
S'ils travaillent en équipe comme les 7 conseillers fédéraux de la Suisse, cela peut marcher. S'ils travaillent en ennemis comme l'UMP de la France, cela ne va pas fonctionner...
Stéphane Lagarde - jeu, 11/22/2012 - 12:58
En Chine comme dans d’autres pays, les poignées de mains, les tournées en province ainsi que les grandes et les petites trahisons entre amis sont la clé de l’ascension en politique. On notera qu'avec les jeux de clans, le choix de Hu Jintao n’a pas ici été respecté. Le chef de l’Etat chinois souhaitait Li Keqiang comme successeur, mais Xi Jinping a visiblement été préféré parce que perçu comme un homme de compromis. Le « mythe de la terre jaune » comme le raconte John Garnaut étant aussi un moyen de faire passer le fait que le futur président de la deuxième puissance mondiale est un héritier. Il fait partie du clan des « Princes rouges », ce qui aide pas mal en termes de réseau. La différence avec ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple ne réside donc pas dans la manière de faire carrière. Les crocodiles et les héritiers sont tout aussi nombreux en occident. Ce qui change en Chine en revanche, c’est que le PCC ne souffre aucune contestation. Il n’y a pour l'instant qu’un seul parti pour faire carrière.
..."souhaitait Li Keqiang comme successeur, mais Xi Jinping a visiblement été préféré parce que perçu comme un homme de compromis..."
A visiblement été préféré... mais par quelle nébuleuse.? Y a-t-il des conciliabules secrets et réguliers entre apparatchiks ? Toujours la même question : qui sont ces décideurs finaux ? De qui tirent-ils leur légitimité (à l'intérieur du PCC bien sûr) ?
En quelques mots
Le temps de la radio et ses formats sont parfois réducteurs pour raconter une région où tout change tout le temps.
Au travers de ce blog, je vous invite à partager mes rencontres, mes voyages et les 1000 petits riens qui font le quotidien, forcement subjectif, d’un passionné d'Asie.
4 Comments
Je voudrais bien savoir comment, dans un parti aussi apparemment monolythique, et par quels mécanismes internes on en arrive au choix de ces dirigeants dont on connaît le nom et le reste longtemps avant même qu'ils ne soient intronisés. Y a-t-il quelque part un "deus ex machina" qui orchestre ce jeu subtil dans la douceur ? Il est vraiment difficile d'admettre voire de comprendre comment arrivent à émerger ces leaders dans une telle (apparente) atmosphère de convivialité et de bonne humeur. Comme dans toute organisation himaine, il y a bien des riivalités, des conflits, des jalousies, des ambitions, non ?, Qui peut bien décider en dernier ressort ?? Sommes-nous dans un summum paradoxal de "démocratie" (secrête) ?
S'ils travaillent en équipe comme les 7 conseillers fédéraux de la Suisse, cela peut marcher. S'ils travaillent en ennemis comme l'UMP de la France, cela ne va pas fonctionner...
En Chine comme dans d’autres pays, les poignées de mains, les tournées en province ainsi que les grandes et les petites trahisons entre amis sont la clé de l’ascension en politique. On notera qu'avec les jeux de clans, le choix de Hu Jintao n’a pas ici été respecté. Le chef de l’Etat chinois souhaitait Li Keqiang comme successeur, mais Xi Jinping a visiblement été préféré parce que perçu comme un homme de compromis. Le « mythe de la terre jaune » comme le raconte John Garnaut étant aussi un moyen de faire passer le fait que le futur président de la deuxième puissance mondiale est un héritier. Il fait partie du clan des « Princes rouges », ce qui aide pas mal en termes de réseau. La différence avec ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple ne réside donc pas dans la manière de faire carrière. Les crocodiles et les héritiers sont tout aussi nombreux en occident. Ce qui change en Chine en revanche, c’est que le PCC ne souffre aucune contestation. Il n’y a pour l'instant qu’un seul parti pour faire carrière.
http://www.foreignpolicy.com/articles/2012/10/19/the_creation_myth_of_xi_jinping
..."souhaitait Li Keqiang comme successeur, mais Xi Jinping a visiblement été préféré parce que perçu comme un homme de compromis..."
A visiblement été préféré... mais par quelle nébuleuse.? Y a-t-il des conciliabules secrets et réguliers entre apparatchiks ? Toujours la même question : qui sont ces décideurs finaux ? De qui tirent-ils leur légitimité (à l'intérieur du PCC bien sûr) ?