La nouvelle devrait être confirmée à l’occasion du 3ème plenum du PCC en novembre prochain précise le South China Morning Post ce matin. Si elle se confirme (le web chinois bruissait déjà de rumeurs à ce sujet l'an dernier), cela serait une première. Aucun membre du comité permanent du politburo du parti communiste chinois, même à la retraite, n'a jusqu'à présent fait l'objet d'une telle enquête depuis... la révolution culturelle !
Fleurs et funérailles
La décision a été approuvée par les leaders du particommuniste chinois lors de la réunion secrète de Beidaihe, station balnéaire à l’est de Pékin, au début du mois d’août croit savoir le quotidien anglophone.
Une information que le parti aurait probablement souhaité garder secrète jusqu’au grand rendez-vous politique de l’automne. Car jusqu'ici, rien n'a filtré des écrans de la télévision centrale de Chine, où l'absence des dirigeants dans les reportages télévisés parle autant que leur présence (Lire sur ce blog :
"Jiang Zemin, le revenant". + Actualisation du billet :
Une absence remarquée aux funérailles de super Tang Ke). Jusqu'à aujourd'hui en effet, l'ancien tsar des forces de sécurité chinoises a continué d'apparaître lors des déplacements officiels... comme si de rien n'était.
Le web relève ce matin que la dernière fois ou les médias d’état y ont fait référence remonte à moins de trois jours. C'était sur les rives du fleuve bleu à Wuhan (province du Hubei) pour l'enterrement de Liu Xirao.
Comme le chef de l’Etat Xi Jinping, et les anciens présidents Hu Jintao et Jiang Zemin, l’ex-ministre de la Sécurité de l'Etat (1998 - 2007) a fait porter des fleurs pour les funérailles nationales de ce pionnier du nucléaire et des satellites chinois.
Plusieurs sites d’informations ont alors mentionné son nom dans les
titres et dans les
reportages. Sur la photo ci-dessus par exemple, le nom de Zhou Yongkang apparait au milieu des hommages au disparu, au côté de celui du chef de l'état.
« Pourquoi avoir mis Zhou Yongkang en avant dans les médias » s’interrogent les internautes, sinon pour dire qu’il fait encore partie de la grande famille communiste ?
Fortune dans le pétrole
Le président chinois Xi Jinping formellement investi en mars dernier a fait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités. « Les principaux dirigeants ont pris la décision en raison de la colère croissante au sein du parti contre la corruption et de l’immense fortune accumulée par la famille de Zhou » écrit le SCMP.
L’enquête pour « violation des règles du parti », euphémisme utilisé en cas de soupçons de corruption visant les hauts fonctionnaires, a été lancée en décembre dernier. « Des dizaines de cadres du parti et des hommes d’affaires ont alors été interrogés dans la province du Sichuan » et Xi Jinping lui-même aurait demandé aux enquêteurs d’aller « au fond des choses » souligne le journal. Le chef de l’état pourrait se servir de cet exemple pour galvaniser sa campagne contre la corruption.
Né en 1942, Zhou Yongkang a fait une grande partie de sa carrière dans le pétrole. Cet ingénieur de formation a passé 18 ans dans la province du Liaoning (nord) sur les champs d’hydrocarbures. Il a aussi été vice ministre de l’industrie pétrolière entre 1985 et 1988, puis ministre des terres et des ressources naturelles entre 1998 et 1999, avant de diriger le parti communiste de la province du Sichuan (ouest), puis d’entrer au comité permanent du PCC à la tête du ministère de la sécurité publique en 2002.
Les enquêteurs cherchent à savoir si Zhou Yongkang et ses proches se sont enrichis illégalement au travers des marchés pétroliers ou de transactions immobilières réalisées par son fils Zhou Bin. Des rumeurs sur la fuite de ce dernier aux Etats-Unis circulaient récemment sur les réseaux sociaux.
Proche de Bo Xilai
Comme souvent en Chine, les luttes de pouvoir passent par la case corruption, mais le fond le du dossier reste politique. Zhou Yongkang est un proche de Bo Xilai, dirigeant déchu dont le procès pour corruption et abus de pouvoir vient de s’achever. "Tout ce que j’ai fait a été approuvé par Zhou Yongkang" aurait ainsi confessé aux enquêteurs l’ancien ministre chinois du commerce et ex-secrétaire général du parti communiste de Chongqing (sud) selon le site d’information Mingjing News.
Zhou Yongkang a également été vivement critiqué par ses pairs pour avoir été le seul membre du tout puissant comité central à avoir défendu Bo Xilai. Certains comme le site dissident Boxun basé aux Etats-Unis allant jusqu’à spéculer sur l’alliance entre Zhou et Bo pour la conquête du pouvoir. L’ancien chef de la sécurité publique lui aurait ainsi selon Boxun offert de prendre sa place lors du congrès de mars dernier. Depuis, Bo Xilai est tombé.
Plusieurs pistes viendraient conforter cette chute supposée imminente de l’ancien patron de la sécurité publique. La disparition de Wu Bing d’abord. Depuis le 2 aout dernier, cet homme d’affaire du Sichuan n’est pas apparu en public. Or il s’agit d’un proche du fils de Zhou Yongkang qui aurait pu jouer le rôle d’oncle généreux de la famille. Et puis deuxième indice, lundi dernier l’agence Chine Nouvelle nous informait de l’ouverture d’une nouvelle enquête pour « violation grave de la discipline du parti ». Cette fois les perquisitions ont été menées au bureau et au domicile de Wang Yongchun, le directeur général adjoint de la China National Pétroleum Corporation.
Zhou Yongkang va t-il poursuivre sa retraite tranquillement ou sera t-il inquiéter par les juges ? Ancien patron des services de sécurité, l'homme a des dossiers sur tout le monde. Il est donc difficile de le conduire au tribunal sans risquer de voir sortir des infos compromettantes sur la fortune des dirigeants comme on a pu le voir l'an passé pour la famille du président Xi Jiping (lire :
"La fortune des Xi") et celle de l'ancien premier ministre Wen Jiabao (lire :
Papy Wealthy" Wen). Une chose est sûre : Si la destitution de Zhou Yongkand est effectivement confirmée lors du plénum de novembre, cela signifiera que Xi Jinping a obtenu l’unanimité des différents courants au sein du parti pour entraîner sa chute.
► NYT 30 août 2013 "In Document, Fallen Chinese Official Says He Was Obeying Order"
►The Telegraph 30 août 2013 "China to investigate fearsome former security chef"
► RFI 1er septembre 2012 "Les proches de Zhou Yongkang soupçonnés de corruption"
► SCMP 2 septembre "Former CNPC chief and protégé of ex-security tsar sZhou Yongkgang is latest graft probe target"
►19 novembre 2009 Capture écran Chine Nouvelle tweetée par Nicolas Bequelin HRW Hong-Kong. "Zhou Yongkang visits CNPC Suda project", la dépêche a depuis été effacée.
► SCMP 21 octobre 2013 Selon le South China Morning Post, le président Xi Jinping aurait monté une unité spéciale chargée d'enquêter sur les faits de corruptions repproché à Zhou Yongkang, courcircuitant ainsi le comité de discipline du parti. Lire ICI.
► RFI 12.12.2013 En Chine, une absence remarquée aux funérailles de l'ancien ministre du pétrole
► Marianne 17 décembre 2013 Zhou Yongkang, le "Beria" chinois victime d'une purge
► Want China Time 20 décembre 2013 Zhou Yongkang placed under round-the-clock guard:duowei
► RFI 30 décembre 2013 Chine : L'étau se resserre autour de Zhou Yongkang
► AFP 3 mars 2014 Chine : Le frère de l'ex chef des services de sécurité arrêté
► Le Monde 5 décembre 2014 Pékin ouvre la voie à un procès de l'ancien haut chef de la sécurité en Chine
► RFI 6 décembre 2014 Lutte contre la corruption : Zhou Yongkang dans le collimateur
► Le Monde 13 décembre 2014 En Chine, le règne de Xi, "Mao moderne".
1 Comments
La corruption sera hélas toujours présente en Chine, même si le gouvernement tente bien que mal de lutter contre cette dernière (http://daxueconsulting.com/market-research-in-china/).