03 juill. 2012 - 15:25
Impossible encore ce mardi matin, d’obtenir une réponse en tapant « Xi » sur le réseau social weibo. Le caractère clé n’est pourtant pas polémique puisqu’il s’agit du patronyme du vice-président Chinois. Xi se prononce « Chi » en mandarin. Xi pour Xi Jinping qui devrait plus que probablement succéder à Hu Jintao et diriger la deuxième puissance économique mondiale l’année prochaine.
Xi Jin qui ?
Du coup ce matin, les internautes s’interrogent : Xi Jin qui ? Lorsqu'on tape "Xi Jinping" sur Baidu, le premier moteur de recherche chinois nous sert les reportages du Quotidien du Peuple sur ses voyages officiels, ainsi que de très officielles biographies officielles dont celle de l’agence Chine Nouvelle.
Mais pour le reste, une seule et même réponse : « En raison de la loi, certains résultats ne peuvent pas être affichés ». En soi, cela n’est d’ailleurs une nouveauté. Toutes les informations sur les dirigeants chinois sont contrôlées. Ce qui est curieux ici c’est la disparition du caractère « Xi » sur les micros blogs.
C’est vrai, c’est un peu idiot cette affaire. On ne peut pas écrire non plus « Xue Xi » ce mardi sur weibo, autrement dit « apprendre ». Le nom du vice-président signifie en effet “pratiquer” au sens pratiquer une langue. Pour ceux qui ne le savaient pas, Mao le grand timonier s’appelait monsieur « Poil » comme poil de barbe si on traduit du chinois. Et jusqu’aux dernières nouvelles, le caractère « poil » n’avait pas disparu.
Mais la censure n’est pas liée ici à des questions de mots et de vocabulaire. C’est en réalité de chiffres dont il s’agit. Dans l'article publié vendredi dernier, nos confrères de Bloomberg ont révélé la fortune de la famille Xi. N'allez point chercher ici de mystérieuses révélations venues de gorges chaudes au sein d'un clan adverse au sein de l'appareil politique cherchant à nuire à l’ancien gouverneur de la province du Zhejiang. Non, il s'agit juste d'un gros boulot à plein temps pour plusieurs journalistes de l'agence et au final d'une excellente enquête comme toutes les rédactions rêvent d'en produire. C'est bon de le préciser car en cette période de pré-succession à la tête du pouvoir, chacun est à l'affût du moindre signe suceptible de trahir les tensions et les luttes internes au sein du régime. C'était encore le cas ce mardi au sujet d'une révolte dans une ville du sud-ouest chinois : Les images et les témoignages déboulent en trombes sur le net et certains finissent par se demander s'il ne s'agit pas, au fond, d'un réglement de compte façon billard à 5 bandes entre potentats rivaux.
297 millions d’euros
Dans un pays où la transparence politique n'est pas considérée comme une vertue, les pourquoi et les comment empêchent de dormir et la moindre information fait l'objet de soupçons. C'est le propre des sociétés closes : La censure entraine le doute et le doute peut aussi rendre fou, contrairement à ce que pensait l'auteur de la Généalogie de la morale. Et si c'était un coup de X ? Et si c'était pas plutôt une vengeance de Y ? Au fond on n'en sait pas grand chose et la moulinette à analyse finit par tourner à vide. So, bravo Bloomberg ! Au moins cette fois, c'est du solide et cette enquête prouve finalement ce que tout le monde murmurait déjà : comme de nombreuses familles dirigeantes, celle du vice-président est plutôt très à l'aise financierement.
Plusieurs journalistes de l’agence ont ainsi épluché, compilé et synthétisé les informations publiques concernant les investissements réalisés par les membres de la famille du vice-président Chinois. Bilan : Le futur Secrétaire général du Parti Communiste Chinois possèderait un patrimoine familial évalué à 376 millions de dollars -297 millions d’euros-, dont 18 % dans une compagnie exploitant les terres rares. L’article précise que rien ne porte à croire que ces avoirs ont été acquis illégalement, mais l’outrage a été jugé suffisant pour bloquer le site Bloomberg.com en Chine. Ce qui est aussi le cas d’ailleurs, et depuis longtemps pour le site de RFI.
Cela n'enlève rien non plus à la biographie officielle de ce fils d'un ancien vice-président de l'Assemblée populaire et vice-Premier Ministre purgé par Mao en 1962 avant d'être réhabilité par Deng Xioping. Envoyé comme travailleurs rural dans la province de Shannxi lorsque son père est exlu du PCC, Xi Jinping s'enfuit à la capitale. Il est alors envoyé dans un camps de travail puis renvoyé à la campagne. La suite c'est une longue ascension du pouvoir dont un passage par la province du Zhejiang où il combat la corruption et met en place une politique de protection de l'environnement. Bloomberg n'a donc rien changé au parcours. L'agence dit juste que ce combat politique n'empêche pas d'être riche.
Cette censure est en tous cas révélatrice de l’hypersensibilité des autorités concernant la richesse des dirigeants notent l’AFP et Libération. Parce qu’officiellement, on est quand même dans un régime communiste et que toujours aussi officiellement le gouvernement est sensé redistribuer la richesse au peuple. Parce qu’il y le web aussi, qui permet à l’opinion publique de dire ce qu’elle pense de la corruption et des l’enrichissement des responsables.
Bloomberg et boomerang
Ainsi quand le très officiel Beijing Daily a tenté de détourner la conversation, la question lui est revenue comme un boomerang. Sur le site du journal, un certain Wei Ziqhi demandait en effet à ce que l’ambassadeur américain en Chine publie ses comptes personnels. Aucun souci lui a fait savoir l’intéressé et le lendemain la réponse était sur internet. La fortune et les avoirs de Gary Locke sont évalués entre 2,4 et 8,1 millions de dollars.
Le Beijing Daily a du coup tenté de supprimer le commentaire. Trop tard ! Ce dernier avait déjà fait le tour du net. La douche froide a même entrainé une tornade de ricannements, les internautes demandant à ce que les responsables chinois en fassent autant ; certains allant jusqu’à affirmer que finalement la fortune du chef de la diplomatie américaine en Chine n'était pas si conséquente puisqu'elle approchait à peine celle de « secrétaire du gouvernement de villes de troisième rang
Mais chuuuuuut... la fortune des hauts responsables est un secret d’état ! Dans la province du Shaanxi –nord du pays-, un journaliste vient ainsi d’être suspendu nous rapporte RFA. Son crime ? Shi Junrong a écrit un article sur les… cigarettes ! Et en l’occurrence, sur des « 95 Zhizun » fumées par des responsables de la région à l’occasion d’un comité local.
Clopes pas nettes
Le problème c’est que les « Zhizun » coûtent un bras.La cartouche de "cigarettes de l'empereur" comme les surnoment les Chinois approche les 1 000 yuan -près de 125 euros-. On a été vérifié ce matin dans un tabac à Pékin, les « Zhongnanhai » -nom de la résidence des dirigeants dans la capitale- sont vendues à 70 yuan soit moins de 10 euros les 10 paquets.
Le problème aussi c’est que comme certains alcool, ces cigarettes de luxe font parties des cadeaux donnés contre services à des fonctionnaires corrompus. Ca fait désordre évidemment et donc... censure ! En 2008, Zhou Jiugeng le commissaire du bureau du logement de Nankin s’était déjà fait prendre en photo avec un paquet jaune raconte le ChinaSMACK. Et là aussi, la découverte a entraîné une déferlante de critiques sur la toile. En attendant et pour l’affaire qui nous concerne aujourd’hui, Shi Junrong a bien perdu son poste au Journal du Soir de Xian pour des clopes pas nettes.
Actualisation du billet :
26 septembre 2012 "Avant l'été, Bloomberg, l'agence américaine d'information financière, a pourtant révélé que la famille Xi était à la tête d'une fortune estimée à 376 millions de dollars. Mais ni Xi Jinping, ni son épouse, ni sa fille n'y sont apparemment pour quelque chose. Le problème viendrait de Qi Qiaoqiao, sa soeur aînée, qui aurait des parts dans plusieurs grands groupes d'État chinois et posséderait six villas et appartements à Hong Kong. Depuis quatre mois, le site internet de Bloomberg est bloqué en Chine" Jeune Afrique 26.09.2012
26 octobre 2012 Le New-York Times sort une bombe sur les avoirs de la famille Wen Jiabao. Le site ainsi que le titre du journal américain sont immédiatement censurés sur les moteurs de recherche. Les infos viennent-elles du clan Bo Xilai ? Le Premier ministre chinois a décidé de liquider l'héritage lors du congrès de mars dernier. C'est en tous cas une enquête journalistique digne du Watergate
Billions in Hidden Riches for Family of Chinese Leader NYT 26.10.2012
2 Comments
Si les dirigeants chinois sont hypocrites alors que dire des dirigeants occidentaux ? Dans tous les pays, les élites peuvent avoir une fortune de famille. Je ne vois pas pourquoi la Chine et les dirigeants chinois échapperaient à la règle ? Le problème n'est pas là, la question c'est pourquoi la Chine censure les médias qui ne font que révéler ce que tout le monde sait déjà ?
l'hypocrisie des dirigeant chinois finira par les detruire ,comme ts ces dirigeant ki disent une chose et font le contraire