Chine : Ai Weiwei lance le premier single de sa « Divine comédie »
La détention arbitraire et la mise au secret des opposants en Chine, voilà l'objet de ce premier single du plasticien chinois le plus connu à l’étranger.On en attendait pas moins de la part du poil à gratter du régime chinois, le titre de ce nouveau clip ("Dumbass") est aussi anticonformiste que son sujet. « Crétin », « idiot », débile » traduisez comme vous voulez... Ai Weiwei chante ici les 81 jours qu'il a passé dans une prison secrète au lendemain des révolutions arabes. Un single en attendant la rédemption, et le futur album « The Divine Comedy »
C’est ce qui fait toute l’ambiguïté de la Chine d’aujourd’hui. Après avoir été détenu au secret pendant près de trois mois en 2011, Ai Weiwei a droit ce mercredi à une promotion digne de Psy ou de Lady Gaga pour le lancement de son premier single. On connaissait le plasticien pour ses installations, ses documentaires, pour avoir rêvé d'un stade olympique en forme de nid d'oiseau, pour ses problèmes avec la censure et les impôts... Le voici donc chanteur ! Un single et une vidéo sous embargo jusqu’à 10 h (heure chinoise), une poignée de journalistes étrangers invités à son studio de la banlieue nord de Pékin et une attachée de presse qui dans une autre vie aurait pu sans problème organiser les interviews minutées d’un gros barnum hollywoodien sur la croisette. Même le jardin de l'atelier a pris des airs de festival de rock. Des tentes de camping ont poussé avec l'arrivée de l'été, pour acceuillir les amis de passage.
Tente Ai Weiwei devant l'atelier de l'artiste 22.05.2013
Divine "heavy metal" comédie
Mais la comparaison s’arrête là, car évidemment nous ne sommes pas à Cannes. En dehors des médias étrangers, il y a en effet très peu de chance que ce nouveau single puisse franchir la grande muraille de la censure. Aucun journal chinois n’est autorisé à en parler et une tournée est évidemment totalement impensable. Ai Weiwei reste la bête noire du régime chinois.
« Nous avons pensé à cet album dès ma libération. Mais j’étais paresseux, car je manquais de confiance en moi. C’est Zuoxiao qui m’a poussé. Il m’a fallu une semaine pour écrire les 9 chansons. Puis, il a composé la musique. L’enregistrement s’est fait dans un sous sol de Pékin. Le studio était très sommaire, on pouvait à peine respirer.
Image extraite du clip Dumbass
J’y suis resté pendant environ 10 heures. J’ai fait trois prises à chaque fois : La première pour caler le texte, et les deux autres pour que Zhuoxiao puisse produire l’album. On ne recherche pas la popularité ici, on ne cherche pas à faire la meilleure musique pour impressionner le monde entier.
Je vous l'ai dis, je reste mal à l’aise avec ça. J’étais très timide pendant l’enregistrement. Je sais que je ne serai jamais un musicien, mais je sais aussi que je suis l’un des meilleurs quand il s’agit de faire du bruit. Aussi longtemps qu’ils (ndlr : les responsables de la sécurité publique) m’entendent, je suis satisfait ! Que voulez-vous qu’ils disent ! On ne peut rien me reprocher, je ne fait que rapporter les faits ! »
Comme dans la Divine comédie de Dante, le premier chant de ce futur album commence par une descente aux enfers. Dans cette vidéo signée Christopher Doyle (ex-chef opérateur de Wong Kar Wai), la prison secrète a été reconstituée dans les moindres détails : Depuis l’arrivée avec un sac de toile sur la tête du prisonnier marquée du mot « suspect » (发自我的) aux uniformes des gardiens, en passant par les séances d’interrogatoire.
« Mes gardiens me suivaient constamment poursuit Ai Weiwei. Ils devaient toujours rester à 80 centimètres de moi. Quand je prenais ma douche, ils devaient même être plus près car ils étaient éclaboussés.
Image extraite du clip Dumbass
Cela devait probablement les agacer de devoir ainsi me regarder prendre ma douche tous les jours, en même temps c’était leur seul moment de détente ; le seul moment où ils n’étaient plus dans le champ de la caméra. Je me souviens aussi des premières choses que m’ont murmuré ces soldats. Ils ne pouvaient pas me parler car c’était interdit. Ils m'ont chuchoté : Pouvez vous nous chanter une chanson ? J’ai répondu non. Alors ils m’ont demandé comment étaient les femmes occidentales ?
Image extraite du clip Dumbass
Ils savaient que j’avais séjourné en occident. C’était pour moi le premier moment d’humanité dans cette petite cellule aux conditions si restrictives. Mes gardiens parlaient de leur désir, de leur vie... J’imaginais alors ces jeunes gens de 19-20 ans, qui eux aussi étaient coupés du reste de la société dans cette petite cellule avec moi. Ils sont restés enfermés dans le bâtiment pendant trois ans, et une fois leur service accompli, ils ont dû rentrer dans leur petit village en province. Ils n’ont jamais vu à quoi ressemblait Pékin. »
Ces démons de l'artiste mis en clip donnent à l’image une étrange chorégraphie de l’enferment. Les deux gardes omniprésents suivent le prisonnier dans ses moindres faits et gestes : Lorsqu’il dort, lorsqu’il mange, lorsqu’il pense et jusqu’aux toilettes. Et forcémment, comme dans la Divine comédie, l’enfer a ici aussi son bestiaire.
Image extraite du clip Dumbass
Le cheval d’herbe et de boue, croisement entre un lama des Andes et une chèvre de Mongolie (Cao Ni Ma) et des crabes de rivières (Hexie) qui symbolisent la censure chinoise.
"Pendant ma détention, les conditions étaient très dures explique Ai Weiwei dans le communiqué de presse qui accompagne la sortie du titre, mais les gardes m’ont souvent secrètement demandé de chanter pour eux.Dans un tel environnement, cela m’a fait réaliser que, pour ces personnes, le seul moyen de tuer le temps, c'était la musique.
Image extraite du clip. Le mot "suspect" sur le sac qui recouvre la tête du détenu
J’étais incapable de chanter et en étais profondément désolé, soit je n'étais pas d'humeur soit je pensais que je ne pouvais pas chanter. Les seules chansons que je connaissais étaient en effet les chants révolutionnaires. C'est la même chose pour beaucoup de Chinois, il nous a fallu mémoriser de nombreux chants rouges (dans notre jeunesse). Créer de la musique est donc un moyen de briser cette situation. "
Tentes dans le jardin du studio Fake au nord-est de Pékin 22.05.2013
Pussy Riot
La musique est signée de Wu Hongjin alias Zuoxiao Zuzhou, star de la scène underground censuré lui aussi dans son propre pays.
« Aujourd’hui ils ont interdit le rock’n roll nous disait encore ce matin Ai Weiwei à son studio. Ils ont fait comprendre à mon ami Zhuo Zuzhou (ndlr qui a écrit la musique de l’album) qu’il ne pouvait plus se produire sur scène. Quel pays en dehors de la Chine interdit ainsi le rock’n roll à part la Russie où les Pussy Riot sont toujours en prison ? »
Rock'n roll interdit ! Nul doute pourtant que ce nouveau single sucitera un buzz mediatique au moins en occident. Ai Weiwei est en effet aujourd’hui l’un sinon le meilleur représentant de cette puissance douce à laquelle aspire la deuxième économie du monde. N’en déplaise aux responsables de la sécurité publique, c’est lui le soft power chinois.
When you're ready to strike, he mumbles about non-violence.
When you pinch his ear, he says it's no cure for diarrhea.
You say you're a mother-fucker, he claims he's invincible.
You say you're a mother-fucker, he claims he's invincible.
Fuck forgiveness, tolerance be damned, to hell with manners, the low-life's invincible.
Fuck forgiveness, tolerance be damned, to hell with manners, the low-life's invincible.
Oh dumbass, oh such dumbass! Oh dumbass, oh such dumbass!
Oh dumbass, oh such dumbass! Oh dumbass, oh such dumbass!
Lalalalala, lalalalala Lalalalala, lalalalala
Lalalalala, lalalalala Lalalalala, lalalalala
Stand on the frontline like a dumbass, in a country that puts out like a hooker.
The field's full of fuckers, dumbasses are everywhere.
The field's full of fuckers, dumbasses are everywhere.
Fuck forgiveness, tolerance be damned, to hell with manners, the low-life's invincible.
You say you're a mother-fucker, he claims he's invincible.
You say you're a mother-fucker, he claims he's invincible.
The field is full of fuckers, dumbasses are everywhere.
The field's full of fuckers, dumbasses are everywhere.
Le temps de la radio et ses formats sont parfois réducteurs pour raconter une région où tout change tout le temps.
Au travers de ce blog, je vous invite à partager mes rencontres, mes voyages et les 1000 petits riens qui font le quotidien, forcement subjectif, d’un passionné d'Asie.