Chen Guangcheng, vol UA88 pour New-York

Dernier appel pour le vol United Airlines 88 pour Newark. C’était hier samedi en fin d’après-midi au terminal 3 de l’aéroport de Pékin. Chen Guangcheng, son épouse, sa fille et son fils pouvaient enfin quitter la Chine pour les Etats-Unis. Un soulagement après 7 ans de persécutions pour le dissident aveugle et ses proches, beaucoup de questions concernant sa famille restée en Chine et une certaine émotion pour les reporters qui ont suivi le calvaire enduré par cette famille…

 
 
 
 
   

« J’ai quitté l’hôpital, je suis en route pour l’aéroport ! » Comme tous les matins depuis maintenant plus deux semaines, il y a d’abord ce coup de fil passé au dissident par Bob Saget de l’AFP. Depuis son arrivée à l’hôpital de Chaoyang le 2 mai dernier, Chen Guangcheng a transformé sa chambre de soin en standard téléphonique. De jour comme de nuit, il répond à des dizaines et des dizaines d’appels des médias du monde entier. Mais cette fois est la bonne : « J’ai quitté l’hôpital, je suis en route pour l’aéroport ! ». L’avocat aux pieds nus est bel est bien sur la route de l’exil.

  
 
  

Il est libre Chen

J’en suis déjà à mon deuxième directe pour la radio depuis le taxi qui va à l’aéroport, quand les consoeurs d'Hikari Presse m’annoncent la nouvelle. Lilly Eclimont vient d’avoir Chen au téléphone. Il confirme : « Je prends l’avion à 15 h 45 pour New-York ». Merci les filles ! Nous voilà déjà au terminal 3. Le vol est inscrit sur le tableau d’affichage. Frissons du reporter... comme toujours et même si cela a effectivement un côté ridicule, j’ai dans mon sac mon passeport, ma carte bleue, une lampe frontale et un sous-vêtement de rechange. Et si, oui si nous prenions nous aussi l’avion pour New-York ? Le frisson ne dure qu’une 1/2 seconde. La radio-publique française n’a pas les moyens de CNN et surtout, le déplacement vaut d’abord pour l’image. Chen Guangcheng a déjà donné des centaines d’interviews au téléphone et il y aura une foule de confrères à son arrivée pour l’attendre. A supposé qu’un entretien soit possible pendant le vol, pour le témoignage exclusif de toute façon c’est raté !
 
 
Alors on reste à l’aéroport, puis la confirmation arrive : Chen Guangcheng s’est envolé ! Nouveau direct à la radio, avant d'être gagné par l'émotion...    
 

Chen Guangcheng quitte la Chine pour les Etats-Unis Journal RFI 13h 19 mai 2012 by Stéphane Lagarde

 
Dans le taxi qui nous ramène à Pékin, le gris de la nuit a éteint le paysage. La voie express n’est plus qu’un long tunnel d’ennui. Inutile de se pincer, les copains dans la voiture ont assisté à la même scène. Cette fois c'est sûr, il est libre Chen !
 

Village de la terreur

On repense alors à cette fausse libération et à ce terrible matin du 9 septembre 2010 quand  les portes du centre de détention à peine ouvertes, le militant de la cause des femmes du Shandong s'est retrouvé enfermé derrière d'autres barreaux. Assigné à résidence avec son épouse et sa fille, Chen Guangcheng se retrouve pris au piège de sa ferme devenue prison.
 
Il est un peu avant minuit ce 9 septembre, nous sommes dans l’appartement de l’un de ses avocats en grande banlieue de Pékin. Au bout du fil : Chen Guangcheng ! C'est la derniere fois que nous entendrons sa voix au téléphone avant son incroyable évasion le 20 avril dernier. 
 
On repense aussi à ce reportage dans le village de la terreur, lorsque nous avions pu approcher jusqu’au portail de sa maison. Ce voyage à Dongshigu nous a valu 1 mois et 1/2 de suspension de carte presse par les autorités, heureusement cela ne s'est pas reproduit depuis. 
 
Et puis on se pose beaucoup de questions pour les proches de Chen Guangcheng restés en Chine et pour lesquels l’avocat disaient craindre une "vengeance folle" de la part des gardiens de Dongshigu et des représailles de la part des autorités.
 
On se demande encore si l'acteur Christian Bale l'attendra à l'aéroport.
 

Un bon dissident est un dissident exilé

Enfin, on se dit qu’il s’agit certainement de l’épilogue souhaité par les autorités chinoises. Pour Pékin en effete, un bon dissident est d’abord un dissident exilé.
  
 
Mais comme He Peirong, il faut essayer de rester optimiste. L’exemple Chen Guangcheng est la preuve que la détermination finit par payer.
 
Cela montre aussi que même sur des dossiers jugés sensibles, Pékin finit par respecter les accords passés avec la communauté internationale et ici en l’occurrence avec l’ambassade des Etats-Unis, à moins que ce ne soit l'inverse.
 
On espère en tous cas que c’est un signe de maturité de la part de ce géant économique qu’est devenue la Chine et qui n’attend plus que l’ouverture politique pour asseoir son rôle de puissance de premier plan.  
 
Le changement, c’est doucement… Elle a raison He Peirong, il existe désormais partout dans le monde des gens pour reprendre le flambeau de l’aveugle chinois du Shandong.