Les avocats des libertés ont du boulot en Chine. Quand ils ne défendent pas leurs clients, ils leur posent des questions face caméra. L’interview publiée sur youtube en début de semaine (vidéo ci-dessus) a été réalisée par Pu Zhiqiang. La qualité technique n’est pas parfaite, il manque un peu d’éclairage, mais les témoignages sont rares…
« Tang le boucher »
Chemise blanche, veste noire, le célèbre avocat a devant lui trois cadres du parti communiste de la province du Hunan. Des témoignages qui dénoncent un système d’interrogatoire mis en place dans les années 90 pour « corriger » les « brebis galeuses » au sein d’un Parti unique de 85 millions de membres et gangréné par la corruption de l’avis même de ses dirigeants.
Le problème avec la culture de l’aveu, c’est qu’elle conduit à la torture. Ces cadres qui ont refusé d’admettre les pots de vins dont ils sont accusés sont soumis à des méthodes d’interrogatoire plus que musclées. « C’était l’enfer sur terre » confie Zhou Wangyan à l’agence AP ce lundi. Cet ex-directeur du bureau des terres de Liling du Hunan a passé « 184 jours et cinq heures en shanghui ».
« C’était pire que si nous étions des cochons ou des chiens » dit encore ce cadre du Hunan qui est ressorti de l’épreuve avec une jambe cassée (lien AP ci-dessus). « Pendant ma détention qui a duré 313 jours, j’ai souvent été forcé de rester debout ou à genoux pendant des heures raconte également Wang Qiuping, secrétaire du parti ». Et toujours à l’agence AP, son adjoint Xiao Yifei explique qu’il a été battu pendant plus d’un mois. Son interrogateur portant le charmant surnom de : « Tang le boucher ».
Supplice du seau d’eau glacé
Ce n’est pas la première fois que se retrouve ainsi dénoncée la brutalité des interrogatoires menés dans le cadre ce que l’on appelle en chinois « shanghui », et que l’on peut traduire par la « double désignation » ou « double punition » destinée aux cadres qui « ont violé les règles du parti ». Depuis les années 90, les dirigeants chinois ont pris conscience que la corruption est le principal moteur de la colère face aux élites. Depuis son arrivée, le président Xi Jinping s’est engagé à mener un combat sans merci contre « les tigres et les mouches » autrement dit contre les officiels corrompus, petits ou grands.
La lutte contre la corruption étant aussi un moyen de se débarrasser des ennemis politiques, le « shanggui » a donné lieux à de nombreux abus. Dernièrement encore, la mort d’un ingénieur au sein d’une société publique d’investissement au bout de 38 jours d’interrogatoires (lien ci-dessus) a entrainé la condamnation de 6 agents de la commission de discipline du parti de Wenzhou. L’homme avait notamment été soumis au « supplice de la baignoire », et en l’occurrence à un seau d’eau glacé dans lequel sa tête a été maintenue à plusieurs reprises.
Guerre contre la corruption
Pour éviter le scandale, et alors que la « guerre » contre à la corruption a été étendue à tous les secteurs contrôlés par le parti y compris les entreprises privées, la Cour Suprême chinoise a demandé le bannissement de telles pratiques.
Une décision accueillie avec prudence par le porte-parole de l’organisation Human Right Watch à Hong-Kong. « La Chine interdit les confessions obtenues sous la torture » écrivait alors Nicholas Bequelin (lien ci-dessus) avant d’ajouter : « Encore ».