Chine : La justice selon CCTV

Elles sont terribles ces deux images de la justice télévisée en Chine. D’un côté, l’ancien dirigeant communiste Bo Xilai apparemment souriant lors du rejet de l’appel de sa condamnation à perpétuité par la cour suprême du Shandong dans l’est du pays ; de l’autre, le journaliste Chen Yongzhou « confessant » publiquement avoir publié de fausses informations contre de l’argent via les caméras de la télévision centrale de Chine. Elles sont terribles ces deux images, car elles se veulent les témoins d’une justice en marche.

 
 
 
Le contraste est saisissant et il n’a pas manqué d’être relevé par de nombreux commentateurs sur les réseaux sociaux ce week-end. Dans les deux cas et quelque soient les faits qui ont conduit le dirigeant déchu Bo Xilai, comme le journaliste Chen Yongzhou, à être interpellés par la police, les images ne sont pas les garantes d’une justice exemplaire, bien au contraire.
 

Une ère de communication

Nous l’avons déjà mentionné à de nombreuses reprises sur ce blog, la révolution de la nouvelle équipe de dirigeants chinois intronisée en mars dernier, est d’abord une révolution de la communication. Le geste de l’Express nouveau de Canton qui a défendu son reporter en Une du journal la semaine dernière, a été considéré comme un véritable affront par les autorités. Ces dernières ont donc décidé de répondre à un média impertinent via un média d’état, et en l’occurrence ici via les caméras de CCTV 13, la chaine toute info de la puissante télévision centrale de Chine.

Vidéo

 
 
Ce sont déjà les caméras de CCTV 13 qui avait retransmis partiellement les audiences du « procès du siècle » fin août dernier. L’ancien ministre chinois de commerce avait alors été condamné à la prison a perpétuité pour abus de pouvoir et corruption. Une image ne reflétant, là encore, que très partiellement les faits.
 

Panne de lumière au tribunal

 
 
 
Lors du procès Bo Xilai, les proches du dirigeant déchu ont affirmé que ce dernier avait, dans un dernier défi, osé critiquer les juges et dénoncé le « non respect de la parole de la défense » lorsqu’il s’est retrouvé menotté. A l’image pourtant, rien n’est apparu de l’esclandre ! A part peut-être ce petit détail... De nombreux internautes ce sont en effet interrogés sur le fait que la lumière se soit subitement éteinte dans le tribunal, ce qui s'est traduit par des images du condamné menotté un peu plus sombres que les précédentes (ci-dessus). Etait-ce pour empêcher les caméras d’enregistrer le dernier coup d’éclat de l’ex-prince rouge de Chongqing se sont alors interrogés les réseaux sociaux ?
 
 
 
Heureusement la lumière est revenue lors du rejet de l’appel de la condamnation par la cour suprême. Mais là encore, curieusement les caméras de CCTV 13 ont oublié de rendre compte d’un petit détail. Les proches du condamné qui ont assisté à cette dernière audience affirment que Bo Xilai avait préparé une sortie ultime pour encore une fois critiquer « l’absence de justice » lors de con procès. Est-ce que l’image ci-dessus a été prise juste après ce moment non retransmis à la télévision ? Ce qui pourrait expliquer le fait que le condamné soit moins souriant et soudainement retenu par les gants blancs des deux agents placés à ses côtés.
 

Journalistes achetés

 
Il n’y a pas de justice parfaite et il y a encore moins d’images parfaites de la justice. Pour le cas Chen Yongzhou les procédures légales ont toutes été balayées d’un revers de main. Il arrive souvent en Chine que des journalistes soient achetés. En mai 2009, Fu Hua, rédacteur au premier quotidien de la finance, a ainsi été condamné en justice pour avoir perçu 5 000 yuans de pots de vins. Chen Yongzhou confesse publiquement avoir perçu des sommes importantes pour publier de « fausses informations » sur le second fabricant chinois de matériels de construction. 
 
 
 
La question ne porte donc pas sur les accusations elle-même, mais la manière dont le suspect est traité avant son jugement. Chen Yongzhou aurait dû passer devant un tribunal et non être contraint à a des aveux publics formulés dans un commissariat de police et filmés par la télévision nationale. « On ne sait pas si la confession est vraie, et même si elle est vraie elle concerne un cas de « diffamation commercial » explique au téléphone Yan Lieshan. Le plaignant aurait dû porter plainte devant un tribunal, or ce qu’on a vu ici ce sont des policiers venir arrêtés Chen Yongzhou en traversant les frontières des provinces poursuit cet ancien rédacteur du quotidien Nanfang. »
 

Tête rasée et menottes aux poignets

 
« A la maison de détention, Chen a fait des ‘aveux’ sans la présence de son avocat, et il a été filmé par CCTV qui ne s’est pas donné la peine de réaliser un reportage équilibré. Toutes les procédures n’ont pas été respecté dans cette affaire dit encore Yan Lieshan (…) Les policiers ont commencé par arrêter Chen et lui ont rasé la tête, exactement comme cela se faisait pendant la Révolution Culturelle.  Bo Xilai et les autres fonctionnaires corrompus peuvent porter un costume au tribunal ce qui montre que la justice chinoise a fait des progrès. Avant d'être jugé, le suspect reste innocent.  Ils ont rasé les cheveux de Chen Yongzhou, pour lui donner une image de criminel. »
 
 
 
Notre confrère du Nanfang confie encore que les journalistes ne sont pas une exception, loin de là… Tous les secteurs sont concernés par la corruption en Chine, y compris la presse. Ce qui inquiète ici c’est la méthode des « aveux » télévisés qui rappellent les périodes les plus sombres de l’histoire chinoise récente. 
 

Responsabilité collective

 
Les journalistes de médias privés ne sont d’ailleurs pas les seuls à toucher des enveloppes, elles seraient aussi très fréquentes dans les médias officiels. « Le journal télévisé de 19h et les réseaux sociaux donnent une information opposée. Je vous conseille de les comparer pour vous faire une idée écrit ce lundi un internaute anonyme avant une mise en abyme qui ruine la démonstration imposée par la télévision centrale de Chine : « Si tous les reportages sont faits par des journalistes et qu’on se méfie de ce journaliste poursuit cet internaute, alors comment faire confiance à ceux qui le filment ? » 
 
 
 
D’aucun font remarquer aussi que la machine de publication d’un article répond à plusieurs validation et notamment de la hiérarchie du journal. Le journaliste ne peut être le seul à payer les conséquences de la publication de « fausses informations ».
 
D’autres enfin, insistent sur le faits que plusieurs confères chinois ont été arrêtés récemment comme Chen Baocheng, Ge Qiwei ou Liu Hu, simplement pour avoir exprimé des opinions ou rapporté des faits qui déplaisent aux autorités.
 
Le drame encore une fois, c’est que ces deux images de CCTV se veulent des images de vérité. La « justice téléréalité », à défaut de justice tout court. 

 

 

Actualisation du billet :

 

Chine Nouvelle 03.11.2013 Les médias exhortés à éliminer les actes de chantage

1 Comments

slt tout d'abord je dois vous remercier pour le travail que vous fournissez mais permettez de noter qu'on dirait que la majorité de vos articles essaye de tourner en ridicule le régime chinois.En effet on pourrait croire en lisant vos notes que la vie quotidienne en chine n'est que de bizarreries, de bouffonneries orchestrées au plus par les dirigeants chinois. ce qui est à mon un peu exagéré. parlez nous de l'économie,de la vie artistiques etc.