Liu Xiaobo Plaza : Colère de Pékin contre la politique du changement d’adresse des sénateurs américains

Pékin a vivement critiqué ce mardi un projet de loi du Sénat américain visant à rebaptiser la rue où se trouve l’ambassade de Chine à Washington, du nom du prix Nobel de la paix chinois emprisonné, Liu Xiaobo. Une idée « ridicule » selon le pouvoir chinois. Pour le coup, on n’est pas loin d’être d’accord.

 

Le projet est qualifié de "futile" et « dérisoire » par la presse officielle chinoise, ce qui forcement conduit ces mêmes journaux à en faire des tartines. Or en réalité, l'idée de renommer la rue desservant le bunker beige de l’ambassade de Chine à Washington n’a rien de nouveau. En juin 2014 déjà, un amendement allant dans ce sens avait été proposé à la chambre des représentants par le Républicain Frank Rudolph Wolf. Ce changement d’adresse est évidement vécu comme une provocation par Pékin. Passer du « 3503, International Plaza » aujourd’hui,  au « 1, Place Liu Xiaobo » demain, constitue en effet une piqure plus que douloureuse pour le régime communiste.

 

"Une farce politique"

Alors que le nom de Liu Xiaobo est totalement banni des médias et des réseaux sociaux en Chine, le simple fait d'imaginer que tous les courriers adressés aux diplomates de la deuxième économie du monde puissent porter le nom de l’ennemi numéro un du pouvoir chinois peut effectivement prêter à sourire. Une farce visiblement qui est moins appréciée à Pékin : "Nous espérons que le gouvernement américain saura mettre un terme à cette farce politique" a déclaré Hong Lei, l'un des porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères cité par l'AFP. Certains défenseurs des libertés en Chine y verront toutefois un habile moyen de rappeler au monde et aux dirigeants chinois que les atteintes aux droits humains perdurent en Chine, même si elles sont généralement dissimulées sous le tapis de la censure. L'un des cas les plus emblématiques étant celui de Liu Xiaobo. Pour avoir signé la "charte 08" réclamant le respect de la liberté d'expression inscrit dans la constitution chinoise, l'écrivain et intellectuel est enfermé dans une prison de la province du Liaoning depuis 2009. Le pouvoir l'accuse de "subversion", un terme régulièrement employé à l'encontre des dissidents.  

 

Pour les autorités chinoises, la blague a déjà assez duré. Si la loi proposée par le sénateur républicain Ted Cruze est adoptée, cela reviendrait à donner un nom de "criminel" à une rue de Washington estime la diplomatie chinoise relayée par la presse officielle. Une guerre des boites aux lettres qui a donné des idées aux lecteurs du très nationaliste Global Times. Proche du Parti communiste chinois, le journal a lui aussi condamné l'initiative des sénateurs américains. Au bas de l'éditorial dimanche, les commentateurs se déchainent et suggèrent de rebaptiser la rue de l'ambassade des Etats-Unis à Pékin -celle de l'ambassade de France et de l'ambassade d'Israel-, rue Edward Joseph Snowden du nom du transfuge de la CIA qui a révélé l'existence de programme de masse destinés à surveiller les Américains et les Britanniques. Dautres proposent le nom de Bradley -Chelsea- Manning, ancien analyste de l'armée américaine à l'origine des fuites de Wikileaks sur l'engagement américain en Afghanistan et en Irak, voir celui de l'ex-stagiaire de la maison blanche Monica Lewisky. Et le quotidien anglophone de conclure : "Les Etats-Unis ont beaucoup de mal à respecter les règles" en raison "d'élites américaines étroites d'esprit."  

 

 

 

Révolution culturelle et guerre froide

Cette bataille des noms de rues remonte à la révolution culturelle notent nos confrères américains. Les gardes rouges avaient alors rebaptisé la rue de l'ambassade d'URSS à Pékin "rue de l'opposition au révisionnisme". Pour la voie d'accès à l'ancien quartier des légations près de la place Tiananmen, ce fut la "rue des anti-impérialistes". Même inspiration pour Hong-Kong devenue "la ville des impérialistes à expulser". Après le procès de la bande des quatre évidemment, les panneaux révolutionnaires ont été enlevés et les rues ont retrouvé leur nom d'antan. Un autre précédent marquant remonte à la fin de la guerre froide, quand la rue de l'ambassade soviétique à Washington a changé de nom. En 1984, les services municipaux l'ont rebaptisé Andrei Sakharov du nom de l'ingénieur en physique nucléaire et grand pourfendeurs du goulag. Mais l'époque a changé, et contrairement à l'ex-URSS, il est peu probable que Pékin libère Liu Xiaobo suite à une modification de nom de rue. 

 

La loi 2451 proposée par le sénateur Ted Cruz a été approuvée à la majorité du Sénat. Elle doit encore passer devant la Chambre des représentants et, surtout, elle doit encore obtenir l'aval de Barack Obama. Or pour l'instant, la présidence s'y refuse : "Alors que nous continuons de faire pression sur la Chine pour qu'elle respecte impérativement les Droits de l'Homme et relâche Liu Xiaobo, ainsi que les autres prisonniers politiques affirme le communiqué de la Maison Blanche. Nous ne croyons pas que la proposition du sénateur Cruz de renommer une rue de Washington nous aide à parvenir à ces objectifs."  Pour certains militants des libertés, ce changement d'adresse s'il avait lieu serait même contreproductif, car il risquerait d'attirer les foudres du Parti sur le prisonnier politique nobélisé et son épouse. Assignée à résidence à Pékin, Liu Xia souffre de graves problèmes de santé. Or pour ce genre de perte de face, les dirigeants chinois ont la vengeance qui s'éternise. L'ambassadeur de Norvège à Pékin se souvient ainsi avoir "amélioré son revers au tennis" pendant... les deux ans qui ont suivit la remise du Prix Nobel de la paix 2010

 

     

 

 

 

 

 

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