La Corée du Nord met en orbite le satellite « étoile brillante »
On ne peut pas dire que ce soit une surprise. Depuis jeudi, tous les satellites avaient les yeux braqués sur le pas de tir de Sohae dans le nord-ouest de la Corée du nord. Agitation des personnels, mouvements de matériels, tout laissait entendre que Pyongyang faisait le plein de carburant de sa fusée. Le régime lui-même avait d’ailleurs parlé d’un lancement de satellite entre le 7 et le 14 févier. Ce qui n’a pas empêché les réseaux sociaux de tousser cette nuit. A 00h30 GMT, la Corée du Nord procédait à un nouveau tir balistique longue portée.
Comme à chaque annonce importante, Ri Chun-hee, 72 ans, reprend du service. L’ancienne actrice devenue vedette de la télévision centrale nord-coréenne avait ce matin le handbok rose -habit traditionnel- des grands jours. A grand évènement, images d’archives. L’annonce du lancement a été précédé de reportages sur Kim junior et son père, feu Kim Jong-il, dont le régime célèbrera l’anniversaire le 16 février prochain. Puis la fusée est apparue sur les écrans, suivie par des photos du numéro un nord-coréen entouré par les techniciens du centre de lancement. Ce tir a été ordonné par Kim Jong-un lui-même a alors rapporté la présentatrice de la télévision officielle, il a permis « de placer avec succès notre satellite d’observation de la Terre Kwangmyongsong 4 en orbite »
Chants révolutionnaires dans l’espace
Le satellite « étoile brillante » en orbite ? L’agence sud-coréenne a d’abord pris l’annonce avec scepticisme. Des débris ont été repérés en mer au sud-ouest de la grande île de Cheju a indiqué Yonhap. Seoul doute, car ce n’est pas la première fois que télé Pyongyang à la tête dans les étoiles. Selon la propagande nord-coréenne, le premier « Kwangmyongsong-1 » aurait fait une centaine de tour du globe en diffusant des chants révolutionnaires à la gloire des généraux Kim Il-sung et Kim Jong-il en 1998. Quinze ans plus tard, la plupart des scientifiques s’accorderont pour dire que le satellite n’a jamais atteint la stratosphère. Quand est-il de « Kwangmyongsong 4 » ? Outre l’agence nord-coréenne officielle qui évoque un aboutissement du « programme quinquennal national de développement spatial », un responsable américain de la défense a déclaré ce dimanche qu'un engin semblait « avoir gagné l'espace. »
« Nous devons maintenant en savoir plus sur la portée de la fusée et le poids du satellite affirme Jang Yong-seok cité par le NK News. Lors du lancement en 2012, le satellite pesait uniquement 100 Kg poursuit le chercheur à l’Institut d’étude sur la Paix et la Réunification, mais si le la fusée de ce dimanche portait une charge de 400 ou 500 kilos alors… on peut dire que la Corée du nord est désormais capable d’atteindre les Etats-Unis avec une ogive lourde. » Toute la question est là ! Si la dynastie des Kim soutient que ces lancements ont des visées purement scientifiques, la plupart des capitales considère que cette affaire du satellite n’est qu’un gadget et qu’il s’agit d’essais de missiles balistiques dégusés. Au-delà de l’aspect scientifique et militaire, ce nouveau tir a aussi un objectif en matière de « politique intérieure » a rappelé Antoine Bondaz ce dimanche sur RFI. « Cela correspond à l’ambition de Kim Jong-un nous disait le chercheur au Centre Asie de Sciences Po, qui entend montrer à la population que le pays est capable de grande prouesses technologiques afin de renforcer l’autorité du gouvernement, et cela avant la tenue du congrès du Parti des travailleurs en mai prochain. »
"Regrets" chinois
Cet évènement intervient aussi à la veille du nouvel an lunaire et vient surprendre les chancelleries sud-coréennes, japonaises et chinoises dans une période de festivités partout en Asie du Nord-est. Dans le concert de critiques, les pays voisins ont été ainsi les premiers à réagir. Pas facile de vivre avec une fusée sur la tempe. A Séoul, la présidente Park Geun-hye a réclamé des « mesures punitives fortes. » Tokyo qui avait promis de tirer sur tout objet non identifié entrant dans son espace aérien, n’a pas eu besoin de dégainer les batteries anti-missiles. Le lanceur nord-coréen n’a pas survolé l’archipel, ce qui n’empêche pas le Premier ministre Shinzo Abe de parler d’un acte « intolérable ».
Image Xinhua
Les américains rappellent que ce nouveau tir est une violation des résolutions 1718 et 1874 de l’ONU. Washington a qualifié l’incident de « déstabilisant et provocateur » et promis à l’allié sud-coréen d’ouvrir des pourparlers sur le déploiement d’un système de défense antimissile américain dans la péninsule. En Russie, Moscou a jugé le tir « très dommageable » pour la sécurité régionale. Quant à la Chine, si elle condamne fermement les essais nucléaires de son turbulent voisin et allié, elle est plus embarrassée avec les essais balistiques. Appel au calme de Pékin ce matin qui considère que la Corée du Nord a droit à son indépendance stratégique et à une utilisation « pacifique » de l’espace. Les autorités chinoises n’ont fait que « regretter » la mise en orbite de « l’étoile brillante » numéro 4.
Actualisation du billet :
11.02.2016 : la vidéo du lancement sur la télévision centrale de Chine. Merci Simon Rozé.
12.02.2016 : L'amour des missiles, le vidéo clip de l'Armée Populaire de Libération en Chine
Le temps de la radio et ses formats sont parfois réducteurs pour raconter une région où tout change tout le temps.
Au travers de ce blog, je vous invite à partager mes rencontres, mes voyages et les 1000 petits riens qui font le quotidien, forcement subjectif, d’un passionné d'Asie.
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