Asie-Pacifique : Pékin tente d'imposer sa zone de libre échange face au pivot américain

Le « rêve chinois » du président Xi Jinping dépasse largement les frontières de la Chine, et nous en avons eu une nouvelle illustration lors du sommet de l'APEC à Pékin. Les 21 Etats membres du Forum de Coopération Asie-Pacifique réunis dans la capitale chinoise ont  adopté une "feuille de route" pour la réalisation d’une vaste zone de libre-échange dans la région. Une annonce qui vient concurrencer le projet d’intégration régional proposé par les Etats-Unis.

La première, la deuxième et la troisième économie du monde sont dans le même bateau, et c’est pour l’instant la deuxième qui prend l’avantage. Quand on organise un sommet à la maison, il est bien normal que les hôtes soient polis avec la maitresse de maison. Les membres de l’APEC ont donc dit oui à Pékin à son pivot "made in china", malgré les réticence des Etats-Unis et du Japon. Une étape « qualifiée d’historique » par le président Xi Jinping.   

APEC Blues

Que retenir en effet de ce sommet de l’APEC à Pékin sinon cette proposition  de libre échange à la chinoise ?

Image diffusée sur le réseau social weibo avant d'être censurée


Le hashtag #APECblue ironisant sur le retour miraculeux du ciel bleu dans la capitale chinoise ? Pour les défenseurs de l'environnement ce serait plutôt APEC blues, car le gris risque de revenir aussi vite que les délégations officielles auront quitté la capitale. On nous avait déjà fait le coup des fermetures d’usine, du chauffage coupé, de la circulation alternée et donc d’un Pékin sans pollution, lors des Jeux Olympiques de 2008.

 


Faut-il retenir la main molle servit par le président chinois au premier ministre nippon. Les deux anciens frères ennemis se retrouvaient pour la première fois depuis le début des tensions entre les deux pays en mer de Chine orientale, et finalement le réchauffement sino-japonais attendu n'aurait pas donné l'accolade virile espérée par certains. En réalité, c’est un peu comme la photo de Hollande et de Merkel au sommet de l’OTAN cette affaire de poignée de main. Tout dépend du moment où la photo a été prise... Pour les journaux japonais la poignée de main a été longue et chaleureuse, tandis que les quotidiens chinois ont préféré parler d'un geste en retrait, voir timide comme le soulignait le journal Libération.

 

 

Est-ce encore un Vladimir Poutine gentleman ou dragueur, et en tous cas couvrant de sa veste les épaules de la première dame de Chine pour la protéger de l'air frais de la salle de conférence de la piscine olympique ? L'image a été immédiatement gommée par les censeurs. Ce n'est pas là encore une première : On se souvient déjà que les internautes chinois s’étaient moqués de l'absence de tact du président chinois oubliant de porter le sac de Peng Liyuan sur la passerelle de l’avion, lors des visites officielles. Des photos, là aussi, immédiatement effacées des réseaux sociaux par les censeurs.

 

 

"Feuille de route"

 

Ce qu’on retiendra de ce sommet, c’est donc ce feu vert à une vaste zone de libre échange proposée par Pékin, dans une région allant du Chili au Japon et produisant 40 % des richesses mondiales.


Il ne s’agit que d’une « feuille de route » on l’a dit, et les « deux années d’études » mentionnés dans le communiqué indiquent qu’on est encore loin du compte. On imagine difficilement par exemple cette zone commerciale comprenant les Etats-Unis et la Russie exister aujourd’hui dans le cadre de l’embargo sur la Russie et la crise Ukrainienne.

 

 

Cette zone de libre échange de l’Asie-Pacifique (FTAAP) dont la Chine est le fer de lance, n’est en réalité pas nouvelle. Elle est apparue en 2006 au cours d’une réunion des dirigeants de l’APEC. Désormais, il s'agit pour Pékin de faire entrer le projet dans une nouvelle phase et s’imposer face à des projets concurrents taillés plus petits, et plus exclusifs : Le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) promu par les Etats-Unis notamment qui exclu la Chine, ou à l'inverse le Partenariat Economique Global Régional (RCEP) conduit par la Chine mais sans les Etats-Unis. 

 

Basculement du monde

 

Le rendez-vous manqué de Barack Obama au sommet de l’APEC l’an passé à Bali, avait déjà retardé la promotion du TPP. C’est ici un nouveau coup porté au projet de Washington dans une région Asie-Pacifique dont le président américain voulait faire son pivot. Les Etats-Unis continueront à accompagner le basculement du monde vers l’Asie, mais en composant avec l’influence grandissante de la Chine.


Obama a ainsi dû ressortir la théorie du « gagnant-gagnant » chère à la diplomatie chinoise : « Ce n’est pas un jeu à somme nulle a déclaré le président américain devant un parterre d’hommes d’affaires, en rappelant que les Etats-Unis avaient aidé la Chine à s’intégrer à l’économie mondiale". Et avant d'ajouter : « La prospérité d’une nation ne doit pas se faire au profit d’une autre. »


Pour les dirigeants communistes, le Forum de Coopération Asie-Pacifique et les promesses d’intégration régionale sont aussi un moyen d'endormir les frustrations et la colère des voisins, fâchés par les visées de la puissance chinoise dans les mers de chine notamment.  
   
 

 

 

Actualisation du billet :

 

Global Times 12.11.2014 Washington can't make rules alone any more

 

 

Reuters 13.11.2014 Pékin reparle de la zone de libre échange RECP aux membres de l'Asean et promet 20 milliards de dollars de lignes de crédits aux pays de la région.

 

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