Une chaussure d’enfant, des lunettes, des valises abandonnées sur le sol, les traces de sang ont été effacées des photos publiées par les médias chinois ce dimanche, mais les images de ces objets abandonnés dans la panique suffisent à décrire la terreur vécue par les voyageurs présents dans la gare de la capitale du Yunnan hier soir. Une dizaine d’assaillants masqués et habillés de couleurs sombres ont poignardé les files d’attente au hasard dans le grand hall réservé à la vente des billets selon
Chine Nouvelle. L’agence officielle qui cite le gouvernement provincial, indique que les blessés ont été conduits dans dix hôpitaux de la région. Au moins quatre des dix assaillants auraient été abattus par les policiers. Ces derniers n'ont visiblement opposé que peu de résistance. Un agent des forces spéciales affirment ainsi avoir abattu
"cinq agresseurs en moins de 15 secondes". Des barrages ont été installés sur les routes pour tenter d'interpeller le reste des assaillants.
Attaque à la veille de la réunion du parlement
Cette attaque à l’arme blanche qualifiée de terroriste par la télévision centrale de Chine sur son compte twitter, a été attribuée aux
« séparatistes du Xinjiang » par les autorités locales rapporte
l'AFP, autrement dit à la minorité ouighours régulièrement accusée de séparatisme et de violences par Pékin. Le chef de la sécurité publique Meng Jianzhu a été dépêché sur place. Le président Xi Jinping a promis que les responsable de l’attaque seraient punis avec la plus grande sévérité (lire
Ici).
La « terrible attaque sur des civils » a par ailleurs été condamnée dans « les termes les plus forts » par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. Un message de condoléance aux victimes a été adressé par le Panchen Lama signale aussi curieusement Chine Nouvelle. L’attentat est survenu un samedi soir, jour d’affluence dans les gares, à la veille de la réunion du parlement chinois à Pékin.
C’est ici le deuxième « 11 septembre chinois » en quatre mois, depuis l’attentat du 28 novembre 2013 place Tiananmen (lire ci-dessus). Une attaque qui, là encore, suscite le débat. Sous le choc de la tuerie, les réseaux sociaux fourmillent de commentaires. Avant même que des preuves soient apportées concernant l’origine de l’attentat, les partisans d’une plus grande répression ou, au contraire, ceux qui souhaitent une plus grande compréhension à l’égard des Ouighours se disputent sur la toile.
Massacre à l'arme blanche
Ces derniers sont évidemment beaucoup moins nombreux. Parmi eux, l’écrivain Han Han encourage sur le réseau social sina weibo à ne pas « porter sa haine à l’encontre d’une ethnie entière ou d'une religion ». De nombreux journalistes qui se sont rendus dans le far ouest chinois ont pu le vérifier : Avant d'être un repair de présumés terroristes, le Xinjiang c'est dabord une population terrorisée par la répression qui a suivit les émeutes de 2009. Ce « massacre brutal » serait donc le signe d’un « échec politique complet » souligne pour sa part Teng Biao.
L'avocat condamne également le recours à la violence et le massacre d'innocents, mais évoque une « marginalisation des minorités » liée à une « limitation de l’autonomie locale, des privations en matière de liberté religieuse, des violations des droits linguistiques et culturels. » « Qui encourage la violence, qui est derrière le terrorisme » s’interroge enfin un internaute sur twitter censuré en Chine (capture écran ci-dessous).
Manque de transparence
Plus généralement, la très grande majorité des internautes chinois condamnent le meurtre d'innocents. En témoigne, l'explosion du nombre des bougies virtuelles sur les réseaux sociaux et les messages d'empathie habituellement réservés aux victimes des séismes :
"Nous sommes tous des habitants de Kunming !" Certains comme Kaiser Kuo critiquent la nature même du débat :
"Nul besoin de savoir s'il s'agit de ouïghours et quels étaient les objectifs de ceux qui ont fait ça. Nous ne sommes pas en présence d'un vol qui a mal tourné ; ce n'est pas une action déguisée des forces fidèles à Zhou Yongkang (ndlr : l'ancien patron de la sécurité publique aujoud'hui sous enquête pour corruption) ; ce ne sont pas non plus 10 personnes qui ont simultanément perdu la raison. Arrêtons de danser autour du mot terroriste pour l'amour du ciel" écrit sur Facebook (censuré en Chine) le directeur de la communication du groupe Baidu, en réaction à un article publié par nos confrères du
New York Times.
Beaucoup réclament ainsi un châtiment sévère à l’égard des agresseurs, quand d’autres prennent le temps de s’interroger sur les motifs qui ont conduit à cette folie meurtrière. Certains s’inquiétant par ailleurs du manque de transparence entourant les faits en pareil cas.
A lire chez les confrères :
RFA L'un des médias étrangers les mieux informés sur le Xinjiang grâce à son service ouighour 03.03.2014 China train station attackers may have acted "in deseperation"
Associated Press 04.03.2014 Les experts émettent des réservent sur l'existence d'un réseau terroriste international derrière l'attaque Experts skeptical of Kunming link to global terror
Xinhua 04.03.2014 Pour l'agence de presse officielle, la tuerie est le signe d'une extension de la menace terroriste en Chine. Kunming attack shows spread of terror threat
China Daily 05.03.2014 Preuve que nous ne sommes pas dans un scénario à la Kenyan, les agresseurs n'ont opposé que peu de résistance aux policiers. Un agent du swat raconte avoir abattu 5 agresseurs en moins de 15 secondes au quotidien officiel anglophone. Officer tells of fight with terrorists.
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