13 nov. 2013 - 16:40
On en a lu de toutes les couleurs sur le plénum des dirigeants communistes qui vient de s’achever à Pékin. Choisis ton camp, camarade ! Depuis le début, le milieu des observateurs de la chose politique chinoise se partage en deux fratries : Les optimistes et les pessimistes. Autrement dit, entre ceux qui croient aux promesses de réformes formulées avec force par les dirigeants chinois, et ceux qui doutent. On est bien ici dans le registre de la croyance vu le peu d’informations dont on dispose. Pour notre part, nous nous sommes plutôt laissé convaincre par la première formule, surpris comme d’autres par la teneur du communiqué annonçant les dates du plénum fin août, et surtout par la rare sortie du numéro 4 du régime promettant le plus grand chambardement de tous les temps.
On allait voir ce qu’on allait voir ! Les commentateurs se sont emballés. Le 3ème plénum a été repoussé de plusieurs semaines pour laisser aux différentes factions le temps de se mettre d’accord sur une nouvelle potion révolutionnaire capable d’assurer la croissance et d’endormir toute velléité de révolte sociale pendant les dix prochaines années. Le plénum 2013 allait, c’est sûr, être aussi tellurique que ceux de 1978 et 1993 qui ont permis à la Chine de s’ouvrir au capitalisme. Les synthèse envoyées par les différents Think thank ont été alors décortiquées, analysées. Ouverture du capital des grandes sociétés d’Etat, relance de l’initiative privée, réforme fiscale et foncière et pourquoi pas même, un renforcement des prérogatives des collectivités locales face à l’Etat central, quitte à toucher au sacro-saint « centralisme démocratique ».
Pourquoi les 3ème plenums passionnent ils autant ceux qui s’intéressent au Parti unique qui dirige la deuxième économie mondiale ? Parce que c’est peut-être le seul moment de suspens. Les deux premières réunions suivant un congrès du PCC servent en effet à désigner des dirigeants du Parti et de l’Etat dont on connait les noms plusieurs années à l’avance, la troisième sert à fixer le cap des orientations politiques générales. La réforme ou la mort, alors ? Ni l’un, ni l’autre en réalité. Pékin nous avait promis la lune, et c’est pour l’instant toujours à la longue-vue que l’on regarde les étoiles. Mais pour le coup, ça c’était prévu ! Les dirigeants communistes aiment se réunir en secret et ne sont pas du genre à être bavards à la sortie de leur réunion. C’est toujours une feuille de route un peu floue qui est distribuée dans un premier temps, l’itinéraire étant affiné ensuite, graduellement, en fonction des aléas du terrain.
Et donc mardi soir, malgré un touffu communiqué final publié par l’agence
Chine Nouvelle, on en était toujours au même point. C’était bien la peine de mouliner autant sur les claviers : En attendant le rapport complet et détaillé qui est traditionnellement publié une semaine après la réunion, les plenumologues restent partagés entre
optimistes et
pessimistes. Certains ayant même évolué entre temps. Un confrère qui pensait que la montagne allait accoucher d’une souris a fini par se ranger du côté des enthousiastes. Ce qui nous ramène aux feuilles de thé évoquées au début de ce billet. Si beaucoup, et nous en faisons partie, sont convaincus que la réforme économique est inéluctable pour accompagner la mutation vers le marché intérieur d’un modèle de croissance autrefois uniquement tourné vers les exportations, il est impossible de savoir aujourd’hui jusqu’où le président Xi Jinping compte mener la barque Chine.
La thèse d’un durcissement sur le plan politique -arrestation d’opposants et campagne anti-corruption pour mettre au pas les fortes têtes dans les entreprises publiques-, destinée à faire passer la pilule des réformes économiques a beaucoup circulé ces dernières semaines. Nous l’avons reprise également, mais n’est-ce pas plutôt, au fond, l’éternelle resucée de l’équation Deng Xiaoping : Plus de capitalisme, pour faire oublier les revendications politiques ? N’est-ce pas au contraire un avant goût de réformes sociétales à venir ? Là pour le coup, on est plus sceptique. Nous avons appelé ce mercredi le bureau de la propagande de la province du Guangdong. Il y a un peu plus d’un mois, la région laboratoire des réformes en face de Hong-Kong annonçait
la fin des camps de rééducation par le travail.
« Il s’agissait de faux reportages » nous a répondu sèchement le téléphone officiel cet après midi.
Ce qui nous rappelle ces grands sinologues qui ont un jour prédit la chute du Parti communiste chinois, avant de faire machine arrière, parfois en se mettant à défendre la thèse inverse d’un PCC à l’éternelle jeunesse. Cela nous rappelle aussi ces analystes américains persuadés que Hu Jintao allait complètement transformer la Chine, au prétexte que des proches du pouvoir avaient vu l’ancien président chinois s'équiper d'une parabole pour recevoir les télévisions étrangères. Cela nous rappelle enfin ce que nous écrivions en 2010 sur les valeurs montantes à la tête du Parti. « Bo Xilai vise l’une des sept places qui se libéreront au comité permanent du bureau politique en 2012 ». Bien vu ! L’été dernier, le dirigeant déchu a été condamné à la prison à perpétuité pour corruption et abus de pouvoir.
A lire chez les confères :
La Tribune 13.11.2013 Xi Jinping est encore loin d'être un Deng Xiaoping