La Chine a honte de ses touristes et le manque de civilité de ces derniers à l’étranger « nuit à l’image du pays » affirmait le vice-ministre chinois Wang Yang en mai dernier. Le Chinois en goguette voyage encore souvent en groupe, ce qui le conforterait dans l’impression d’être partout comme à la maison. Et quand on se sent comme chez soi, autant faire comme Gérard Depardieu ! On n’hésite pas à pisser dans les bouteilles en plastique pour se soulager, au risque de choquer son entourage. Récemment, une touriste de Chine continentale a ainsi suscité l’indignation des Hongkongais en laissant son fils uriner de cette manière au beau milieu d’un restaurant. La même scène dans un centre commercial a provoqué le courroux des Canadiens cet été.

 

Insortables les touristes chinois ? L’indignation nationale a commencé par le graffiti d’un adolescent chinois sur l’enceinte du temple d’Amenhotep III à Louxor, en Egypte, en mai dernier. Le jeune homme a osé graver son nom sur le corps du dieu Amon. Pendant une dizaine de jours, les internautes ne vont plus le lâcher,  conspuant sa "bêtise" et son "acte scandaleux" sur les réseaux sociaux. Wang Yang, encore lui, ne s’en est d’ailleurs pas remis : « Ils (ndlr. les touristes) font du vacarme dans les espaces publics déclarait alors le dirigeant chinois, gravent des mots sur des sites touristiques, traversent la rue quand le feu est rouge, crachent, et bien d’autres choses non civilisées. Cela porte atteinte à l’image du peuple de notre pays et fait mauvaise impression. »    

 

Fin août, l’Etat a ainsi commencé à diffuser des spots sur la télévision centrale de Chine visant à « éduquer » ces nouveaux vacanciers. Car pour beaucoup de Chinois, la notion même de vacance est un concept nouveau qui remonte à une dizaine d’années. Aujourd’hui il y a donc ce guide des bonnes manières de 64 pages publié sur le site de l’autorité du tourisme : « Ne pas fourrer les doigts dans son nez, ne pas uriner dans la piscine ou voler le gilet de sauvetage dans l’avion : les autorités chinoises énumèrent les recommandations à l’égard de leurs citoyens en goguette à l’étranger note l’AFP. Le livret dispense également quelques recommandations spécifiques à certains pays poursuit l’agence. En Allemagne, vous claquez dans vos doigts pour appeler un chien, mais pas une personne. En Espagne, mesdames, portez des boucles d’oreille, sinon vous donnerez l’impression d’êtres nues. »

 

Capture d'écran du diaporama de l'agence Chine Nouvelle : Uncivilized behaviours blamed during holiday travel 

Bruyants, considérés parfois comme arrogants et surtout très nombreux, ces touristes chinois se déplaçant souvent en hordes seraient facteur de désordre et donc à « civiliser » selon Pékin. Un terme qui revient régulièrement ici sur les affiches. Voilà plusieurs années par exemple que le slogan « civilized chaoyang » recouvre les murs de ce quartier très étendu de la capitale chinoise. Le guide de l’administration nationale du tourisme insiste notamment sur une plus grande vigilance dans les avions. On laisse les gilets de sauvetage sous les sièges, on n’emporte pas non plus les couverts en partant comme a souhaité le faire une trentaine de passagers chinois fin août sur un vol de la Singapour Airlines. Le groupe ayant manqué en venir aux mains lorsque le personnel de bord a demandé la restitution des couteaux et fourchettes en acier inoxydable.

 

A entendre ce déluge de critiques, on a pourtant envie de les défendre ces voyageurs sans manière. Après tout les « nouveaux riches » n’ont jamais eu vraiment la côte chez les riches en perte de vitesse. N'est-ce pas d'ailleurs plutôt ici "l'ancien pauvre" qui dérange ? Et oui, c'est fou mais les Chinois sont très nombreux et ils sont donc de plus en plus nombreux à prendre l'avion pour partir en vacances. On se souvient des touristes chinois non grata de Zadig et Voltaire -le groupe a dû formuler des excuses depuis-. On est aujourd'hui surpris par la virulence des propos à leur encontre, sachant que généralité et vérité sont loin de faire bon ménage. Il serait ainsi injuste de mettre tous les touristes chinois dans le même panier, même si nombre d'entre eux voyagent en bande. Casquettes, appareils photos et petits drapeaux, l’enrichissement du pays a contribué à l’explosion des voyages en groupes et en individuel. Les vacances sont un sport nouveau pour les Chinois et le tourisme de masse a effectivement quelques désagréments.  Les touristes chinois sont donc aujourd’hui à la fois convoités pour leurs devises, et redoutés pour certains de leurs comportements.  

 

Cela nous fait penser qu’on est tous, un jour ou l’autre, le touriste de quelqu’un. Les « nouveaux Russes » trempant leurs croissants dans le champagne aux Seychelles provoquent des froncements de sourcils chez leurs voisins de bungalow. En même temps, nous avons aussi entendu autrefois, les vendeurs de glaces de Saint Petersbourg pester contre la "mesquinerie" supposée de groupes de français en K-Way marchandant le prix de leurs sorbets. Les mauvaises manières ont d’ailleurs parfois du bon. « La Chine est formidable avait parait-il pour habitude de dire un ancien correspondant de presse français à Pékin, c’est le seul pays où l’on peut allumer la lumière en pétant dans les couloirs d’hôtels. » Et puisque l’affaire a commencé par un vilain graffiti, nous publions ici quelques photos que nous avons prises récemment sur les remparts et dans les tourelles de la grande muraille près de Pékin ainsi que sur les forêts de bambous des rizières en terrasses du Guangxi, classées patrimoines de l’Unesco. Les Chinois ne sont visiblement pas les seuls à écrire leur nom partout.    

 

Photo SL

 

 

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