Si les choses étaient arrangées en amont, comme de nombreux commentateurs (dont nous sommes) l’annoncaient avant l’ouverture du procès, alors les autorités chinoises ont eu encore un coup d’avance. Cela fait peut-être partie d'ailleurs de la nouvelle communication façon Xi Jinping. Le soft power du nouveau président chinois portait en tous cas ce matin un uniforme bleu. La capitale du Shandong qui n’a d'ailleurs probablement rien demandé, a été choisie parce que située à 1h40 de TGV de Pékin, proche mais suffisamment éloignée du centre du pouvoir chinois et surtout à des milliers de kilomètres des anciens bastions dirigés autrefois par le dirigeant déchu : Dalian au nord-est et Chongqing au sud-ouest de la Chine.
La foule des curieux se presse pour assister au passage du convoi transportant Bo Xilai
Du coup, Jinan ce matin était noyée de policiers. Mais contrairement aux deux précédents procès de la saga Bo Xilai -celui de sa deuxième épouse et de son ex-bras droit-, les agents avaient visiblement pour consignes de sourire. A aucun moment, nous avons été empêchés de travailler, même en interviewant des partisans de l’ex-Prince rouge. Clic Clac ! Comme d’habitude, les agents en civils ont mitraillé les reporters et surtout les personnes interviewées. Nous les avons pris en photos en retour, comme nous le faisons à chaque fois, ce qui, là encore, a semblé les amuser. Visiblement des consignes ont été données : Ce procès doit être "exemplaire" comme le répétait ces derniers jours la presse officielle.
Un pro Bo et pro Mao devant le tribunal
Surprise aussi quand les premiers tweets sur le compte weibo officiel de la cour intermédiaire de Justice numéro 3 de Jinan sont découverts. « Il semble qu’ils diffusent l’audience en direct sur weibo » s’étonne alors un confrère britannique sur twitter !! Dès lors, le compte du tribunal est pris d’assaut. C'est une première : Le déroulé du procès est effectivement accessible en quasi simultanée sur le réseau social chinois !
Première image de Bo Xilai depuis 18 mois
Surprise enfin concernant l’accusé. Les analystes attendaient un homme résigné et repentant et c’est tout le contraire qu’on a vu ce matin. 11h30 première image de celui qui avait disparu des écrans depuis 18 mois. Chemise blanche, entouré par deux policiers géants (cf. photo ci-dessus), Bo Xilai à l’air de s’ennuyer à l’écoute des charges qui sont requises contre lui. La corruption dépasse les 2 million 600 000 euros, des sommes versées notamment par deux hommes d’affaires amis de l’ancien maire de Dalian. Puis c’est au tour du dirigeant déchu de s’exprimer. Et là, surprise ! Contrairement à son épouse condamnée un an plus tôt, Bo Xilai nie une grande partie des charges qui lui sont reprochés.
L'enclos réservé à la presse en face des grilles du tribunal
Il revient surtout sur ses confessions faite lors de la détention : « Les preuves avancées par le tribunal ne permettent pas de prouver que je suis coupable (…) J’ai fait une confession à contrecœur, mon cerveau n’arrivait plus à penser. » Chose rare dans ce genre de procès politique, Bo Xilai s’attaque ici directement à la commission de discipline du parti. « J’ai bien mangé, j’ai été bien soigné et la plupart des camarades étaient polies avec moi, mais cela ne veut pas dire que n’ai pas subi de pression ».
Une consoeur devant le tribunal
L’audience tourne au vaudeville quand celui se met à raconter ses problèmes de ménage. « Je continue de penser affirme Bo Xilai, que c’est une femme bien éduquée et qui a du goût. C’est aussi une femme moderne et érudite. » Mais, car il y forcement un mais : « J’ai très peu de contacts avec elle confie l’accusé. Avant 2007, elle était toujours à l'étranger, et le temps que nous passions ensemble était donc très limité. Avant 2007, j'ai travaillé au Ministère du Commerce et j’étais très occupé, j’étais très limitée dans le temps passé à Pékin. Gu Kailai est revenue de l'étranger, je suis revenu à Beijing, et le temps de voir les uns les autres était très limité. Ainsi, il était impossible de parler des méthodes de Xu Ming pour obtenir des billets d'avion ou des chambres d’hôtels à moindre coût. »
Des curieux sur le passage du convoi
Des histoires de coffres surgissent alors dans l’échange avec les juges. Plus la famille est riche plus elle a de coffres forts. « Le coffre était utilisé par elle et moi poursuit Bo Xilai en parlant de son épouse, et que l’on parle en yuans ou en dollars, il y avait largement plus que 50 000 ou 80 000. (…) Gu Kailai avait beaucoup d’argent dans un autres coffre géant dans notre maison au numéro 71 ». Bo Xilai dément également les allégations concernant une villa à Cannes. "Je ne connais rien de cette maison à Nice en France. Tout cela a été fabriqué de toutes picèes".
Un pétitionnaire éloigné par un policier
Toutes ces déclarations sont postées sur le compte officiel weibo du tribunal et repostés sur les réseaux sociaux avec de très nombreux commentaires positifs à l’égard de l’accusé. « J’ai envie de pleurer » écrivait ce midi un anonyme sous la photo du dirigeant déchu. Un élan de sympathie immédiatement stoppé par les censeurs. Il est possible de laisser des commentaires sous la photo du Prince rouge déchu, mais plus de voir ce que les autres ont écrit. Preuve que les surprises peuvent être de courte durée. A suivre…
Des affiches publicitaires révolutionnaires pour des imprimantes
Réactions de deux avocats à cette première journée d'audience
► Li Zhuang a passé deux ans en détention à Chongqing pour s’être opposé autrefois à la politique de Bo Xilai
A propos de l'audience tweetée : « C’est rare, c’est même la première expérience de ce type en Chine et c’était quasiment en direct. Parce que les compte rendus de l’audience sont publiés sur les réseaux sociaux presque en simultané, c’est un gros progrès. Cela signifie qu’il y a eu au sein du tribunal un var débat contradictoire. Contrairement à ce que disaient les commentateurs, la cour n’est pas un théâtre »
Des policiers dans les rues adjacentes au tribunal pour prévenir les manifestations
► Gu Yu Shu avocat choisit par l’une des sœurs de Bo Xilai, mais pas retenue par la cour
Sur l’attitude défiante de Bo à l’audience : « Connaissant sa personnalité je ne suis pas surpris. Je trouve que le fait de se défendre est normal. Ca correspond à sa personnalité et à son style. On a vu quelqu’un de très posé, quelqu’un qui a de l’allure. Il a beaucoup préparé cette audience »
Des cordons de police détournent les passants sur le chemin du travail
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