Correspondant pressé à Pékin

J’ai promis de vous raconter sur ce blog les coulisses du bureau de RFI à Pékin. Voici l'exemple d'une journée de correspondant de presse qui vit dans la capitale chinoise.

 

Premier coup de fil à 5 h 45 ce matin en Chine (23 h 45 heure de Paris). C’est la rédactrice en chef des éditions du soir : « Norodom Sihanouk est mort chez toi à Pékin. L’urgent de l’AFP vient de tomber : tu peux nous faire un petit quelque chose ! »

Disparition de l'ancien roi du Cambodge

L’AFP a repris une dépêche très courte de l’agence Chine Nouvelle. Pas le temps de se doucher, tous aux claviers ! 1 h du matin à Paris (6 h à Pékin), nous sommes en direct sur l’antenne de RFI.

Décès de l'ancien roi du Cambodge / Journal RFI 1 h du matin 15 octobre 2012 by Stéphane Lagarde

 
La voix n’est pas encore réveillée, ca ira mieux pour le direct suivant prévu dans une heure.

Mines d’or clandestines au Ghana

En attendant, la presse chinoise évoque la mort d’un jeune prospecteur d’or clandestin au Ghana. Vite, vite... Anqi la news producer du bureau de RFI fouille la weibosphère et l’internet en quête d’infos. Le jeune homme est décédé lors d’un raid de la police ghanéenne. Nous avons heureusement eu le temps de nous doucher entre temps. Et hop, petit papier pour l’antenne Afrique  

PAPIER RFI AFRIQUE 15.10.2012 La presse chinoise ne donne pas plus de détails sur les circonstances de la mort du jeune homme. Tout ce que l’on sait ce matin, c’est qu’il venait de la province du Heilongjiang au nord-est de la Chine. Comme son père et comme son oncle, le jeune prospecteur travaillait dans les mines d’or clandestines au Ghana. Le 11 octobre dernier une centaine de ressortissants chinois sans visa de travail et sans permis de résidence ont été arrêtés près de la ville de Kumasi au centre du pays raconte le quotidien Beijing Chenbao (Le Matin de Pékin) . La loi ghanéenne autorise en effet les étrangers à extraire le métal précieux dans les exploitations à ciel ouvert, mais la recherche de l’or à petite échelle est réservée aux locaux. Or les prospecteurs clandestins sont bien obligés de passer par des intermédiaires pour exercer leurs activités : « Il faut s’attaquer aux locaux et aux patrons de mines qui trompent les gens qui viennent travailler » affirme Yu Jie. Le porte-parole de l’ambassade chinoise à Accra reconnait que l’exploitation de l’or dans les forêts ghanéennes pose des problèmes : « Les mines illégales occupent des terres agricoles dit-il. Elles contaminent les sources d’eau, et provoquent la colère des paysans. » Des problèmes que la Chine rencontre sur son propre territoire avec la découverte de centaines de mines illégales chaque année. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les forces de sécurité effectuent de tels raids. Les arrestations de clandestins chinois qui se sont accélérées depuis mai dernier auraient aussi des raisons politiques poursuit le porte-parole de l’ambassade de Chine à Accra, liées selon lui à la tenue d’élections dans le pays en décembre prochain.

L'article à peine envoyé, nous sommes à nouveau en ligne avec le studio pour parler du décès de l’ex-roi du Cambodge

Mort Norodom Sihanouk Journal RFI 7h 15 octobre 2012 by Stéphane Lagarde

 
Le journal se termine, il nous faut ensuite enregistrer une version qui pourra « tourner » sans que nous devions rester au bureau.

Un Roi qui chante

 
 
Nous choisissons de faire un « papier sur ambiance » à partir d’une vidéo qui circule sur le net chinois.

Mort ex-roi du Camboge liens avec la Chine RFI 15 octobre 2012 by Stéphane Lagarde

Nouveau film de Lou Ye

Il est maintenant 7h35 à Paris, 13h35 à Pékin. Pas le temps de déjeuner... Nous avons rendez–vous à 14 h à l’autre bout de la ville pour la projection du nouveau film de Lou Ye. Le réalisateur chinois n’a pas inscrit son nom au générique, car il a dû faire un compromis avec les censeurs. La scène du meurtre a été réduite. C’était ça ou le film ne pouvait pas sortir en salle vendredi prochain. Nous arrivons à la projo avec 15 minutes de retard. On se glisse au premier rang. La course valait la peine, le film est magnifique malgré les quelques scènes censurées. Nous ferons un reportage pour le jour de la sortie vendredi (on vous en reparlera sur ce blog).

Appels sur l'actualité

En attendant nous repartons tout de suite et filons à la conférence de presse du film dans une autre partie de la capitale. On court, on attrape un sandwich et on saute dans un taxi. Le téléphone sonne à nouveau ! Cette fois c’est le studio de l’émission Appels sur l’actualité. On demande au taxi de s’arrêter. Juan Gomez est déjà au micro et déroule son introduction. 
 
 
Juan Gomez est une star de la radio mondiale. Son émission compte parmi les plus écoutées  en Afrique. Quand démarre le générique d'Appel sur l'Actualité, c'est un peu comme la sonnerie de l'école : tout le monde se met en rang derrière le poste et la messe peut commencer !

7 jours sur 7

On regrette alors d'être sur un téléphone portable, mais comment faire autrement dans une mégalopole comme Pékin ? Nous avons fait le choix d'aller vers les gens plutôt que de rester au desk; et nous repensons à toutes les fois où nous avons eu Juan au téléphone depuis deux ans. La première c'était sur les docks des douanes de Tianjin, alors que nous réceptionnions nos malles qui venaient d'arriver. Une autre dans une gare de province, une autre fois à la banque après avoir passé près de trois heures a tenter de régler un problème avec le guichetier. Une autre fois encore dans la réserve des pandas du Sichuan etc.
 
"Un bon correspondant c'est 7 jours sur 7 et c'est quelqu'un qui passe le moins de temps possible au bureau" nous avait prévenu Jacques Plana, ex-correspondant de Radio France au Caire. Mais déjà la question arrive au bout du fil : "Un rapport du congrès américain a déclaré que deux grandes entreprises chinoises de télécommunication -ndlr Huawei et ZTE- sont des menaces à la sécurité des Etats-UnisQu'est ce que font ces entreprises exactement  demande Richard à Lomé ?"     
 

Photo SL

Soleil mourant

Le taxi a repris sa course et nous voilà déjà sur le lieu de la conférence de presse. Les confrères chinois se pressent dans une ambiance rock'n roll. Lou Ye est un peu le Olivier Assayas de la jeunesse chinoise. La conférence se tient dans une salle de concert. Elle est ponctuée d'interludes musicaux. Le groupe de Canton qui a réalisé la musique du film fait des allers-retour sur scène après chaque intervention. "C'est vraiment propre à  Lou Ye, tous les lancements de film ne sont pas comme ça même à Paris" confirme la productrice Isabelle Glachant.
 
Les interviews des acteurs se terminent. Quand nous ressortons du lieux, la nuit a déjà enveloppé les boulevards. Tant mieux ! Voilà deux jours que le gris était de retour. Les néons des échoppes du vieux Pékin valent beaucoup mieux qu'un soleil mourant. Il est 18h30. On sourit et on repense à la fois au film qu'on vient de voir, et au fait que nous avions rencontré le cinéaste dans ses studios il y a maintenant 15 jours.

Le village du prix Nobel 

On se dit aussi qu'on fait le plus beau métier du monde, quand le téléphone nous tire de notre rêverie. La rédaction à Paris cherche à savoir ce que nous avons ramené de notre week-end dans le Shandong (est). Réponse : Un grand reportage sur le village de Mo Yan, le prix Nobel de littérature chinois (photo ci-dessous).
 
 Photo SL
 
 
Après le diner nous nous mettons sur la régie du bureau de RFI, copie des factures, classement et scanner de toutes les pièces justificatives. 

L'actualité ne s'arrête pas

 
Un nouveau courriel tombe à 22 h 23 :

"Salut Stéph Et encore merci pour cette nuit et bien évidemment la suite en matinale. A propos des suites : Hun Sen et sa Majesté le fils sont partis à Pékin pour récupérer la dépouille. Je suppose que demain matin ils feront quelque chose : recueillement, pleurs avec dignité, que sais-je encore, peut-être déjà départ avec le vénérable corps.  Peux-tu suivre demain matin (matin chez nous) et nous en faire un rendu pour l’antenne ?"

 
Allez encore un peu de régie, un peu d'énergie.
Il est 23h30 : En Chine, l’actualité ne s’arrête jamais… Et on en redemande ! 
 
 

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