Mon tgv s'est arrêté !

Où est donc passé le rapport officiel sur la collision entre deux trains rapides cet été en Chine ? Le document devait être rendu public par le Conseil d'Etat fin septembre, on en a toujours pas vu la couleur.

 

 

Depuis dimanche minuit on connait la nouvelle grille horaire des tgv  Pékin-Shanghai, mais on ne sait toujours pas ce qui c'est passé le 23 juillet dernier près de la gare de Wenzhou. L'ensemble des 54 CHR 380 arrêtés suite à la collision qui a fait 40 morts et près de 200 blessés ont repris le rail ce lundi. Ces fleurons de la grande vitesse chinoises avaient été renvoyés au garage pour révision. Bons pour le service ont affirmé les enquêteurs sachant que, depuis l'accident, les autorités répètent que les équipements et la technologie des trains chinois ne sont pas en cause. 
 

Mouchoir sur le rapport


Les problèmes du Ministère du rail n'ont pas pour autant disparus. Les chemins de fers chinois sont surendettés. 80 % des nouveaux projets de lignes à grande vitesse sont aujourd'hui suspendus dont une très grande partie concerne justement le réseau à grande vitesse.

RFI a diffusé ce lundi un reportage réalisé fin novembre dans la province du Hebei où nous nous sommes rendus avec Brice Pedroletti le correspondant du journal le Monde à Pékin.  L'idée était de rencontrer les ouvriers du chantier de la ligne Tianjin-Baoding arrêté lui aussi faute de financement.

Reportage RFI 12.12.2011

  Les 156 km de ligne à grande vitesse Tianjin-Baoding devaient être achevés avant la fin de cette année. L'investissement initial de 23 milliards de yuan n'a pas suffit. Suspendu depuis août dernier, le chantier a laissé des centaines de travailleurs au chômage

 Pour aller plus loin je vous propose ici ces quelques photos

 

Et voici les témoignages des différents intervenants que vous entendez dans ce reportage...

 

Agriculteur exproprié

 
Sa maison a été détruite pour laissé passer le train. Comme d'autres, il trouve que les compensations ne sont pas suffisantes : « Cela fait plus de deux mois que les travaux sont arrêtés. Le chantier a détruit nos champs et nous sommes contraints de déménager. Pour les terres, l’Etat voulait nous rembourser 25 500 yuan par Mu ! Aujourd’hui, on est passé à 31 300 yuans. Il y a une légère réévaluation en raison notamment de l’inflation. Mais c’est encore trop peu, car il s’agit d’une occupation à vie. Pour la maison, c’est environ 700 yuans par mètres carrés. Il y a des gens qui sont allés pétitionner à Baoding (capitale du Hebei), mais à chaque fois un comité d’accueil les attendait. Les autorités du canton savent que nous sommes des pétitionnaires, alors dès qu’on vient ils nous invitent à déjeuner. Puis, le repas terminé ils nous demandent de rentrer au village. Si on y retourne plusieurs fois, il nous arrête. On est aussi allé à Pékin pour voir les avocats, mais ils n’ont pas voulu prendre notre dossier.
 
Le jour des démolitions, le chef du canton de Xushui est venu en personne. Il était accompagné du vice-président du tribunal ainsi que du vice-président du parquet. Il y avait même une ambulance au cas où il y est des blessés. 300 personnes dont la police anti-émeute ont été mobilisées pour détruire nos maisons. Je m’en souviens très bien. C’était en juin dernier et c’était quelques jours seulement après le discours du premier ministre Wen Jiabao qui affirmait qu’il fallait que les démolitions se passent dans la transparence et la justice.
 
Au total près de 70 personnes travaillaient sur le chantier dans le village. Ils sont tous partis car en aout les travaux se sont arrêtés. Il y a des travailleurs de Hunan qui sont restés ici de longues semaines sans rien faire en attendant d’être payés. Les salaires ne sont jamais venus alors ils sont repartis. Il y a eu beaucoup de vols dans le village. Les travailleurs migrants n’avaient même pas d’argent pour rentrer chez eux. Ils ont volé des vélos électriques, des petites motos, des tricycles. Ils ont surtout volé du matériel et notamment de l’acier, au bureau de l’entreprise qui les avait fait venir. »
 

Un ouvrier du Sichuan

 
Lui est employé sur l’autre chantier, celui de la ligne Shijiazhuang-Pékin lancée après les Jeux Olympiques et dont les travaux se poursuivent : « Ca fait un an que je travaille ici, comme les autres je viens de Chengdu (Sichuan). Si tout va bien, on devrait finir les travaux en novembre l’année prochaine.
 
J’ai déjà travaillé près de 6 ans sur les chantiers du TGV partout en Chine, et même à l’étranger notamment en Malaisie. Le salaire est correct, entre 5 000 ou 6 000 yuan par mois.
 
Maintenant le bureau n’utilise plus ses propres ouvriers car ils sont paresseux (rires). Voilà pourquoi ils nous recrutent en province. Le problème c’est que sur l’autre ligne le bureau du rail n’a plus d’argent. Ça fait quatre mois que les travaux sont arrêtés. »
 

Cyber café

Des jeunes dans un café internet près de l’usine de béton qui fabriquait les pylones du chantier : « Les travaux sont suspendus, maintenant on est en vacances. On espère que le chantier va reprendre en mars ou avril l’année prochaine comme on nous a dit. On n’est pas payé non plus et ça fait plus de 4 mois que c'est comme ça. Même le gardien de l’usine n’est pas payé. Il y avait à peu près 800 employés dans cette usione, y compris les cadres. Cela fait déjà un moment que les travaux sont arrêtés, mais comme le nouvel an chinois approche on reste ici. »

 

ACTUALISATION : Il aura donc fallu attendre le 29 décembre 2011 pour obtenir les conclusions de l'enquête publiée par le Conseil d'état. Le rapport a mis en évidence des "défauts graves de signalisation" des trains et la réaction trop lente et inadéquate des autorités ferroviaires, selon le communiqué officiel qui n'efface pas le souvenir de l'enterrement du train du 24 juillet et ces images de pelleteuses poussant les wagons accidentés dans un fossé.