Requiem pour un prix

Décidément, Confucius n’a plus la cote en Chine. Le 20 avril dernier, la statue de dix-sept tonnes du vieux sage disparaissait en pleine nuit sur la place Tiananmen à Pékin. Et voilà qu'aujourd'hui, le comité chargé de décerner le prix homonyme est révoqué. Le prix Confucius était pourtant sensé incarner une contre-version chinoise du prix Nobel de la paix. 

  
Le prix Nobel de la paix chinois aura duré moins d’une saison. Lancé dans la précipitation, l’hiver dernier, le prix Confucius avait été imaginé comme une parade au "véritable" -l'original- prix Nobel de la paix remis à un dissident chinois en prison. 
 
Mais finalement le Confucius ne sera pas décerné cette année. Le Ministère chinois de la Culture vient en effet de révoquer son comité d’organisation, au motif qu’il aurait violé « plusieurs règlements ».
 
La remise du prix avait portant été annoncée pour le 9 décembre prochain, la veille de l'attribution du Nobel norvégien. La liste des nominés 2011 avait même été proclamée en fanfare voici maintenant un peu plus de dix jours. 

Pastiche

Vladimir Poutine, Bill Gates, Angela Merkel, Koffi Annan et Jacob Zuma se consoleront en se souvenant que le précédent lauréat –Lien Chan- ne s’était même pas déplacé pour chercher son trophée.
 
"Le prix Confucius ? Je n’en ai jamais entendu parler aurait fait répondre l’ancien président taïwanais, après la cérémonie l'an dernier." Il faut dire que l'exercice avait vite tourné au  pastiche. A la grande stupéfaction des présents et faute de lauréat, une petite fille avait été brandie devant les  objectifs des journalistes. 
 
► A (RE)LIRE RFI 09.12.2010 En Chine, Confucius recyclé en anti-prix Nobel
 
Prix Confucius 2011
 
 
Bombardés de question par la presse étrangère, les organisateurs s'étaient alors empêtrés dans les explications cafouilleuses, provocant les sourire gênés des confrères  chinois et probablement des représentants de l'autorité.
 
Le ministère des Affaires Etrangères avait depuis le comité dans le collimateur. Des concurrents sont ensuite apparus sur la scène médiatique pour proposer à leur tour un contre-Nobel chinois, rendant les choses encore plus confuses.

Le "revers" de l'ambassadeur de Norvège

Le ridicule ne tue pas, mais il peut faire perdre la face surtout quand il devient contreproductif. Pékin ne décolère pas depuis l'attribution de la prestigieuse récompense à Liu Xiaobo, mais les autorités chinoises n'ont pas encore trouvé la riposte. Pour l'instant, seuls les éleveurs de saumon et les diplomates norvégiens en subissent les conséquences. L’ambassadeur de Norvège en Chine ayant fait remarquer un jour qu’il avait surtout amélioré son revers au tennis depuis l’attribution du Nobel de la paix 2010.
 
La censure et les mesures de rétorsions annoncées n'ont en tous cas pas permis d'effacer l'outrage, bien au contraire. Un peu comme les airs à la mode finissent par hanter nos salles de bain, le prix Confucius est resté prisonnier de son fantôme, et de ce nom qui revient à chaque fois que la récompense est évoquée. Un nom banni des écrans, des radios et des journaux chinois... Liu Xiaobo !   

And the winner is... Vladimir Poutine !

Le 14 novembre 2011, le prix Confucius a finalement été remis au Premier ministre Russe, sans l'aval des autorités chinoises.
 
Selon le communiqué en anglais annonçant l'évènement, le prix récompense "la guerre du président Russe dans le caucase" en 1999, au terme de laquelle Vladimir Poutine serait devenu "l'antiterroriste n°1 et un héros national." Le prix vient aussi saluer l'opposition de Moscou au bombardement de l'Otan en Libye.
 
Malgré cet immense honneur, l'ambassade de Russie n'a toutefois pas répondu à l'invitation du comité. Un mois plus tard, Vladimir Poutine ou ses représentant ne sont pas manifestés. Du coup, la cérémonie de remise du deuxième prix Confucius, le 9 décembre 2011, s'est déroulée face à une chaise vide. Le président russe était très embarassé selon les médias à Moscou.
 
Aucune réaction officielle n'est venue depuis du Kremlin.