23 sept. 2011 - 04:56
Un, deux, parfois trois sur la même épaule, les « valises » des travailleurs migrants sont de retour. Ces carniers garnis, empruntés le plus souvent sur le lieu de travail, transportent toute la vie de leur propriétaire.
Comme pour le nouvel an lunaire, la fête nationale le 1er octobre prochain est l’occasion de passer quelques jours en famille. Les baluchons bousculent les voyageurs pressés et entrainent la file d’attente dans une farandole endiablée, jusqu'au guichet où chacun espère décrocher le précieux sésame.
Peine perdue ! « Mei You ! » « Il n'y en a pas ! » répète en boucle la voix dans l'hygiaphone, avant même un « Ni Hao ! ». Les guichets sont pris d’assaut et les préposés ne s’embarrassent pas des politesses d’usage.
Premier arrivé, dernier servi ! A part avoir des connaissances bien placées dans l’administration ou les entreprises publiques, vous n’avez aucune chance d’obtenir un billet en faisant bêtement la queue comme tout le monde. Et cela vaut aussi d’ailleurs hors période de vacances.
Billet dans la chaussure
Hier
« 7 milliards de voisins » nous a téléphoné dans la région autonome du Ningxia. Nous étions sur le point de prendre le train de nuit pour Pékin et nous avons raconté comment nous avons eu recours à un
« Huang Niu », littéralement une
« vache jaune » pour obtenir un billet.
Les
« vaches jaunes » se sont les revendeurs à la sauvette qui achètent les tickets pour les céder ensuite jusqu’au double de leur prix de départ. Depuis que les billets de TGV sont devenus nominatifs, les
« Huang Niu » ont quitté la gare du sud à Pékin.
Mais ils pullulent partout ailleurs ! A la gare de l’ouest, c’est derrière une palissade de chantier que vous trouverez ces revendeurs. Mon ami Rémi Quesnel en a fait l’expérience :
Un deuxième marché du rail s’est donc mis en place dans la plus grande illégalité. Car en Chine, probablement en raison de la corruption interne, non seulement les réservations en ligne n’existent pas, mais il est en plus impossible d’acheter ses places plus de 5 jours à l’avance.
Dur, mou, assis, debout
Sur les destinations du grand ouest chinois, trouver un billet peut tourner au cauchemar. Entre Pékin (15,6 millions d’habitants) et Urumqi (2,31 millions), autrement dit entre la capitale chinoise et « l’endroit le plus éloigné d’un océan dans le monde » (2250 km dixit le guide Lonely Planet), il n’existe qu’un seul train par jour. Et le fameux T69 est toujours plein.
Nous en avons fait l’expérience cet été. 9h du matin, nous sommes parmi les premiers à tenter de faire tourner la tête au corpulent guichetier d’une des innombrables guérites blanches et bleues homologuées par le puissant Ministère chinois du rail.
Trônant dans ses 3m2, les yeux rivés sur son écran, ce dernier refuse de présenter autre chose que son profil.
Une manière certainement de ne pas voir la détresse dans les yeux des usagers, car sa réponse est invariablement la même.
Quelque soit la date de départ, quelque soit la destination, l’inévitable « Mei You » tombe comme un couperet. « Même debout ? » « Mei You !». « Même debout, il n’y a plus de billets ! » Petite parenthèse ici, pour préciser au lecteur qui n’a jamais pris le train en Chine que la lutte des classes places perdure dans ce pays.
Il existe en effet trois classes dans les wagons chinois et un lumpenprolétariat. Les couchettes molles (les plus chères, en compartiments fermés de 4 passagers), les couchettes dures (6 lits superposés ouverts sur le couloir), les places assises et pour finir ceux qui voyagent debout.
Pendant les périodes de vacances, les actes désespérés de certains passagers enflamment le web. Quitte à finir en slip ! En janvier dernier, un certain
Chen Weiwei s’est retrouvé devant le chef d’une gare de la province du Zhejiang dans son plus simple appareil. L’histoire ne dit pas s’il a finit par obtenir le précieux titre de transport.