Korean drama

La vieillesse est un naufrage, mais ici le drame n'a pas attendu le nombre des années. Une fois de plus, la tragédie vient s'abattre sur la jeunesse en Corée du Sud. Après l'effondrement du toit d'un gymnase sur des étudiants cet hiver, cette fois la sortie scolaire se termine au fond de l'eau. Les lycéens constituaient en effet la majorité des 475 passagers du Sewol. Le ferry reliant le port d'Incheon à la grande île de Cheju a sombré hier matin près de l'île de Jindo. Près de 300 personnes sont portées disparues.

 
 
 
Une pointe de lune bleue, sous perfusion d'air, sur laquelle s'accrochent désespérément les regards. Ce bulbe de l'étrave du Sewol trône au centre des écrans sud-coréens depuis plus de 24 heures maintenant. Depuis ce matin 7 h, il est même désormais alimenté en oxygène de manière a tenter de stabiliser la coque et faciliter les recherches. Le ferry englouti sera ensuite soulevée par une grue à partir de demain vendredi, afin de sortir le corps immergé du ferry des eaux froides de Jindo probablement samedi.
 

L'archipel aux chiens

C'est sur un rocher de l'archipel de la troisième île coréenne qu'est venu se fracasser le navire. Jindo était célèbre jusqu'à présent pour ses grands chiens fauves et sa mauvaise mer. Ce Mont Saint-Michel coréen, entourré par les plus forts courants marins de l'Asie, le sera désormais aussi pour ce chavirage et la course contre la montre à laquelle se livrent les secours, pour tenter de sauver ce qui peut l'être encore à l'intérieur du navire.
 
 
 
Certains estiment que c'est une chance pour un journaliste, d'autres diront que c'est la poisse. La dernière fois que nos étions à la gare de Séoul pour prendre le train des vacances, les écrans de midi se sont réveillés avec des urgents sur la mort de Kim Jong-il. Cette fois encore, on est en congés en Corée, quand l'actualité pointe sur la péninsule. Nous étions d'ailleurs hier matin parmi les premiers à relayer l'info sur twitter. Il faut dire que c'était presque une bonne nouvelle au départ cette histoire de naufrage. Les médias locaux affirmaient alors que la majorité des passagers du Sewol étaient sains et saufs.
 

 

Poches d'air dans la coque 

Puis, l'horrible dé-compte a commencé en-bas des téléviseurs. Les morts: 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9... Puis, tous ceux qui ne sont pas ressortis du ventre du navire, bien plus nombreux que les rescapés. Un mois après la disparition du MH370, les mers d'Asie refont ainsi parler d'elle, preuve au passage qu'elles sont de plus en plus fréquentées en surface comme dans le ciel. Les proches des victimes espèrent que des poches d'air dans la coque du bateau suffiront a préserver les vies. On voudrait y croire. Mais comme pour le Titanic, on redoute déjà la fin de l'histoire. Et un bilan qui sera probablement très lourd.
 
 
Un peu égoïstement nous étions contents de quitter Pékin, la veille de la disparition de l'avion de la Malaysian Airlines. Nous étions à Séoul lors du crash du vol 801 de la Korean Air sur l'île de Guam. L'horreur vécue par les familles nous avait alors profondément marqué. Et voilà que ça recommence ! D'après les témoins, le capitaine du Sewol aurait accéléré la cadence dans une mer agitée pour rattraper le retard pris à l'embarquement. Un geste qui a conduit le grand vaisseau blanc droit sur les rochers.
 

Capitaine soupçonné d'avoir déserté le navire

Les copains de France 2 Pékin nous ont appelé hier soir, mais cette fois on jette l'éponge. On laisse Fred Ojardias, le correspondant de RFI à Séoul, à ce difficile travail d'écoute des proches du lycée Danwon (Ansan) d'où venaient une majorité des passagers. Les bougies sur internet, les prières des églises évangélistes, les infos partagées frénétiquement sur twitter, la recherche des responsabilités -visiblement le capitaine et une partie de l'équipage ont quitté le navire juste après l'accident-, les 550 plongeurs, les grues, tous les efforts déployés ne rendront pas la vie aux disparus.
 
 

Un Lycée décimé

Les deux tiers des élèves du Lycée Danwon de la ville d'Ansan ne sont pour l'instant pas revenus de cette sortie scolaire. 14 professeurs étaient à bord. L'établissement a été décimé par le naufrage. Et ce malheur de plus, plonge une nouvelle fois dans la douleur cette petite péninsule sur laquelle nous aimons revenir depuis maintenant une vingtaine d'années. Un nouvel accident pour ce peuple sourcilleux, travailleur et pacifique (sauf vis à vis de lui même) qui n'en est pas à son premier naufrage de ferry, et qui a plusieurs reprises déjà a payé le prix de son miracle économique à marche forcé. Cet après-midi nous avons donc laissé de côté Twitter et le métier d'informer. Il parait que cela appaise les esprits, nous avons été porter une pierre sur l'une des pyramides de cailloux ("dol tap") des chemins de la montagne Changsan au sud de la Corée du Sud. Comme disent les Coréens : « Pour éviter un trop grand malheur, prépare ton cœur a accepter la douleur ». Rien à faire, cette fois encore nous n'étions pas préparés.
 
 
 

 
 
 

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A (RE)VOIR Les secours du Sewol en images. L'un des photographes de l'agence Reuters était dès hier sur les lieux du naufrage. Ses photos sont ICI
 

 

Actualisation du billet

18.04.2014 Après avoir évoqué l'hypothèse d'un naufrage sur un récif, les médias sud-coréens mettent en avant la thèse d'un changement de cap trop rapide qui aurait entrainé le chavirage.

 

18.04.2014 Deux grues de 3600 tonnes et une de 2000 tonnes sur les lieux du naufrage pour soulever le ferry. 

 

18.04.2014 Selon la télévision YTN, les grues pourraient mettre deux mois pour soulever le ferry. Le poids du navire engorgé d'eau est évalué à 10000 tonnes.

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