Archipel contesté : Pékin découvre ses cartes

Voilà qui devrait relancer le bras de fer entre Pékin et Tokyo en mer de Chine orientale. La Chine a en effet décidé ce week-end d'établir une nouvelle « zone d’identification de la défense aérienne » (Adiz). Problème : La zone en question englobe l’archipel Diaoyu-Senkaku, sous contrôle Japonais mais revendiqué par les Chinois. Elle constitue donc sur le papier une menace aux aéronefs qui refuseraient de respecter les règles du ministère chinois de la défense.

Après la bataille navale, le bras de fer aérien. Le 27 octobre dernier, les chasseurs japonais étaient de sortie pour répondre aux vols de quatre avions de combat chinois autour de l’archipel d’Okinawa, à 400 km des îlots Senkaku-Diaoyu. Les aéronefs chinois n’ont fait qu’effleurer l’espace aérien japonais, mais le Premier ministre nippon a immédiatement réagi. Shinzo Abe a alors déclaré que son armée ne tolérerait pas « l’emploi de la force pour changer le statu quo » dans la région.
 
 

La carte et le territoire

Or aujourd’hui, les îles contestées par la Chine au Japon sont comprises dans la nouvelle « zone d’identification de la défense aérienne » définie par Pékin. La carte comme acte politique. La Chine entend ici tester les Américains et leurs alliés dans les mers de Chine. Cette nouvelle zone a été précédée d'une campagne interne et la publication de cartes pour le grand public. Depuis plusieurs semaines déjà en effet, les nouvelles cartes des îles Diaoyu sont en vente dans toutes les librairies chinoises. Le slogan « les îles Diaoyu sont à nous » ont également refleuri sur les calendriers des postes dans les campagnes, les voiture et les vitrines des certains commerçants (image plus bas).
 

 

Boulette stratégique

Cela fait maintenant plus d'un an que la tempête agite la mer de Chine de l'est. Tous les analystes en sont aujourd'hui persuadés, le gouvernement japonais a fait une grosse boulette stratégique en nationalisant trois des cinq îles de l’archipel de la discorde en 2012, dont la plus grande Uotsurijima. La Chine n’attendait que ce prétexte et a immédiatement réagi en inscrivant dans la loi l’appartenance de ce territoire. Une légalisation de la revendication qui, depuis, épuise littéralement les gardes côtes japonais. La patrouille est harcelée et obligée de sortir à chaque fois qu’un navire chinois pointe son nez. Or ces eaux riches en hydrocarbures et surtout très poissonneuses ne sont pas tout à côté. Les rochers contestés sont situés à 400 kilomètres à l’ouest d’Okinawa et à 200 kilomètres au nord-est de Taiwan.  
 
 

Défi aérien

En avion évidemment les distances sont réduites, mais ce changement de dimension entraine aussi une augmentation du risque affirme Stéphanie Klein-Ahlbrandt : Si on considère que la situation est celle d’une baignoire et qu’il y a beaucoup de bateaux dedans, c’est une question de temps avant que des navires entrent en contact nous expliquait la directrice de recherche pour l’Asie du Nord-est au sein de l’International Crisis group en mai dernier. Un contexte naval tendu est déjà dangereux, mais il laisse quand même le temps de la décision. Dans un contexte de défi aérien, le moindre incident peut entrainer une crise, puisque ceux qui ont l’information sont sur le terrain. Ils ont intérêt à rejeter la responsabilité sur l’adversaire. Ils ne diront jamais : ‘C’est notre faute !’ »
 
 
 
 
 

« Intérêt vital »

A l’image des 3 T (Tiananmen, Tibet et Taiwan), la mer de Chine méridionale a été élevée au rang « d’intérêt vital » de la Chine en 2010. C’est désormais aussi le cas pour la mer de Chine orientale. Suite à l’établissement de la « zone d’identification de la défense aérienne », deux avions de reconnaissance appuyés par des chasseurs ont effectué une première patrouille a fait savoir samedi le porte-parole des Forces aériennes de l’Armée populaire de libération. En retaillant très large les contours de son espace aérien, Pékin prend ici le risque de fâcher également le voisin sud-coréen. Selon l’agence sud-coréenne Yonhap, la ZIDA englobe en effet une partie des eaux territoriales sud-coréennes. Les deux voisins devraient pouvoir arranger cela par la négociation, compte tenu des liens qui les unis dans la mémoire de la guerre de colonisation japonaise. Une statue d'un héros de l'indépendance coréenne est ainsi en passe d'être érigée à Harbin dans le nord-est de la Chine. En revanche, la zone est beaucoup plus problématique pour le Japon et dans une moindre mesure pour Taiwan.
 
 
 
 
 
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Actualisation du billet :
 
26.11.2013 : Le porte-avion chinois Liaoning a levé l'ancre ce mardi pour la mer de Chine méridionale. Selon les analystes, il y a de fortes chances qu'il passe pour la première fois près des îles Diaoyu Senkaku. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

1 Comments

En étudiant les ZIDA du Japon, de Corée du sud, des Etats-Unis, on se demande pourquoi la Chine n'avait pas créée la sienne.
Nous avons du mal à accepter que ZhongGuo soit "un pays comme les autres."
Il faudra bien admettre qu'il est un partenaire à égalité avec les autres pays (développés), après avoir vécu, il est vrai, des périodes de sommeil volontaire ou d'humiliations subies (cf. l'Histoire.)