Bo Xilai condamné à la prison à vie

Cette photo était inimaginable il y a encore deux ans. Le voici menotté et raccompagné par les policiers du tribunal intermédiaire numéro 3 de Jinan à l'est de la Chine, Bo Xilai. A 64 ans, le dirigeant chinois déchu a été condamné ce dimanche à la prison à vie, l’ensemble de ses biens lui sont confisqués.

 
 
 
A croire que le tribunal de Jinan manque de figurants, les deux policiers géants des premières audiences étaient de retour devant les juges ce dimanche, pour l’épilogue de ce que certains ici n’ont pas hésité à qualifier de « procès du siècle ».

15 + 7 ans de prison

Dans le verdict diffusé sur le compte weibo (réseau social) du tribunal (cf image ci-dessous), les charges de corruption et d’abus de pouvoir prononcées par le procureur lors des premières audiences sont maintenues.
 
Bo Xilai est condamné à 15 ans de prison pour détournements de fonds et 7 ans pour abus de pouvoir. 
 
 
 
 
 
Peine sévère ou légère ? Les deux thèses s’affrontent parmi les analystes ce matin. Dans les deux cas, l'ancien membre du politburo du parti communiste chinois est de toute façon privé de ses droits politiques à vie. 
 
1. La sévérité / Le comité central ne veut plus entendre parler du turbulent Prince de Chongqing et le fait disparaître pour au moins deux ou trois Congrès et donc définitivement de la scène publique. La lutte anti corruption est un moyen pour le président Xi Jinping de faire savoir qu'il est aux commandes et d'éliminer tous ceux qui ont une base autonome au sein du parti.
 
2. La conciliation / Xi Jinping toujours en quête d’équilibre au sein du parti ne voudrait pas se mettre à dos le camp des Princes dont il est lui même issu. La condamnation à la prison à vie pour un crime sans homicide signifie que l'ex-maire de Dalian pourra être libéré pour bonne conduite dans 10 ans, et même dans 7 ans pour raisons médicales.

Peine symbolique

3. Cela revient au même, puisque l'objectif était d'abord de le faire disparaitre politiquement. « Il s’agit avant tout d’une peine symbolique estime ainsi l’avocat Yuan Yulai sur son compte weibo (16,5 millions d’abonnés). Pour Bo Xilai,  "la vie politique s’arrête, il va passer quelques années en prison avant de se retrouver en village vacances ! »
 
D’autres questions restent en suspend concernant les biens de l’accusé qui ont été partiellement saisis (20 millions de yuans). A qui appartient juridiquement par exemple la villa de Cannes attribuée à son épouse Gu Kailai ,mais dont la propriété se cache derrière de complexes montages financiers au Luxembourg ? 
 
Questions aussi concernant la réaction de ses partisans dans ses anciens bastions de Dalian (nord-est) et de Chongqing (sud) et de l'opinion chinoise qui sur les réseaux sociaux avait défendu l'ancien secrétaire général du parti communiste de Chongqing (voir billets précédents sur ce blog).

Boris Eltsine 

Je vais « attendre tranquillement dans ma prison » confiait l’accusé dans une lettre adressée à sa famille et publiée il y a quelques jours par la presse de Hong Kong.  Et de poursuivre : « Un jour mon nom sera blanchi ! » Une allusion à son père Bo Yibo considéré comme l'un des "8 immortels" de la Chine communiste, lui même déchu puis réhabilité. Bo Yibo a été écarté du pouvoir en 1966 pendant la Révolution culturelle et n'a repris des fonctions officielles qu'à la fin des années 1970.
 
Mais pour l'instant, la rédemption semble difficile. Si certains voient dans l'ancien responsable du parti communiste de Chongqing un futur Boris Eltsine, il est difficile d'imaginer une réhabilitation pour Bo Xilai en dehors d'un changement extérieur au régime.

10 jours pour faire appel

Ses avocats ont maintenant dix jours pour faire appel du jugement,  ensuite l'ancien maire de Dalian devrait disparaître de la scène publique pendant au moins une décennie donc pas avant 74 ans.
 
Nous écrivons ce billet depuis un TGV filant vers le sud de la Chine, nous y reviendrons sur ce blog dès que nous retrouvons le haut débit et surtout dès que nous aurons d'avantage d’éléments sur ce verdict. En attendant, vous pouvez lire l'article de ma consoeur Delphine Sureau sur le site de RFI (lien ci-dessous).

► Bo Xilai, le prince communiste devenu criminel

 
A lire également l'analyse de l'historien Zhang Lifan
 

Chine : derrière la condamnation de Bo Xilai, le "renforcement de l'équipe au pouvoir"

 
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Twitter et weibo ce matin...

Message laissé sur le compte weibo du tribunal de Jinan par Arsenal26ShanDiannan ce matin et s'adressant directement à l'autorité judiciaire : « Le verdict n’est pas une surprise mais compte tenu de l’attention donnée à ce procès par les médias étrangers, ton objectif est atteint ! Le compte du tribunal affiche maintenant 580 000 abonnés »
 
Précision : Les commentaires sur le compte du tribunal étaient fermé jusqu’à l’énoncé du jugement et les médias chinois ont reçu pour consigne de ne reprendre que les dépêches de Chine Nouvelle.    

Malcolm Moore (correspondant britannique présent devant le tribunal ce matin) citant Hitchcock à propos du suspens avant le verdict : « La terreur ne vient pas du bruit de la détonation, mais de son anticipation »
 

 

 
 
 

Actualisation du billet :

23.09.2013 Les internautes s'interrogeaient sur la pénombre dans laquelle a été plongé le tribunal (photo au début de ce billet) lorsque Bo Xilai s'est vu passer les menottes. L'explication est peut être dans le South China Morning Post publié au lendemain du verdict. Selon le journal de Hong-Kong, Bo Xilai a défié une dernière fois les autorités avant d'être emmené hors de la cour : "Votre décision n'a pas été basée sur les faits aurait lancé au juge le Prince rouge déchu. Le tribunal n'est ni ouvert ni juste et n'a pas pris en compte les arguments présenté par la défense". La lumière a-t-elle été coupée au moment de l'esclandre pour éviter que les caméras de CCTV n'enregistre le spectacle ? Les menottes ont-elles été passées au condamné avant ou après ce dernier défi ? Le South China Morning Post est le seul pour l'instant a avoir révélé ce dernier coup de gueule de l'ancien secrétaire général du parti communiste de Chongqing.