Chine : Rumeur, 500 retweets tu meurs !

C'est un nouveau coup porté contre les internautes chinois. Le dispositif de mesures présenté ce lundi par les plus hautes instances judiciaires chinoises est officiellement destiné à lutter contre la diffusion de « rumeurs » sur internet. Certains craignent surtout qu’il soit un moyen  de bâillonner les réseaux sociaux. Les « calomniateurs » comme les appellent les médias officiels, seront en effet désormais passibles d’amendes et même de trois ans de détention, si une « fausse information » postée sur le web est rediffusée plus de 500 fois.

 
 
 
Les propagateurs de "fausses nouvelles" sont donc soumis désormais aux mêmes critères que les diffuseurs de contenus pornographiques. 500 rediffusions ou 5 000 vues, ces deux cas déclencheront automatiquement des sanctions contre le ou les auteurs d’une « fausse information » selon la nouvelle jurisprudence publiée ce lundi. A l’échelle de la deuxième économie du monde et son 1/2 milliards d’internaute, les 5 000 clics sont évidemment très vite atteints. La diffamation étant passible de peines allant jusqu’à trois ans de prison en Chine.
 

"Mauvais effet à l'étranger"

La diffusion de « fausses nouvelles » sera par ailleurs qualifiée de « cas grave » lorsqu’elle nuit à la santé mentale et/ou pousse au suicide de la personne visée par la rumeur indique cette interprétation de la Cour populaire suprême et du Parquet populaire suprême. Comme l'administration Obama, le pouvoir chinois est entré en guerre contre les rumeurs. Mais derrière cette lutte contre le mensonge en ligne, les internautes chinois voient surtout un moyen de renforcer l’arsenal répressif déjà existant. Ces nouvelles mesures viseraient d’abord à faire taire le net à en croire les interessés. Le document diffusé par les médias officiels précise en effet qu’une information sera également sanctionnée lorsqu’elle débouche sur des manifestations,  des émeutes ethniques ou religieuses, ou qu'elle a un "mauvais effet à l'étranger". Selon la plupart des analystes, cette décision apporte une nouvelle preuve de la grande fébrilité des autorités devant la liberté de ton des réseaux sociaux. Pour tenter d'enrayer un flot de nouvelles considérées comme "mauvaises", on commence par tuer le messager. Une annonce qui intervient dans le cadre de la reprise en main du net lancée par la nouvelle équipe au pouvoir.
 

Comptes "grand V"

Eté de tous les dangers sur le net chinois. En juillet, le président Xi Jinping a appelé les agents de la propagande à constituer « une forte armée » pour « s’emparer du front des nouveaux médias ». En août, des perquisitions puis des interpellations ont eu lieu au domicile des internautes du « mouvement citoyen », professeurs et avocats en lutte contre la corruption sur le web. Plus médiatique encore : L’arrestation du millionnaire sino-chinois Charles Xue pour « rapports avec des prostitués », un prétexte pour le faire taire affirment de nombreux internautes. Le compte sina weibo (réseau social chinois) de Charles Xue affiche 12 millions de suiveurs et fans de ses commentaires réformistes sur des sujets dit sensibles. Les gros comptes ont d’ailleurs tous été priés de se tenir à carreau. Le mois dernier, les autorités se sont adressées directement à ceux qu'on appelle ici les "grand V" (vérified), autrement dit les comptes VIP. Ces célébrités du net qui sont aussi parfois des célébrités tout court (acteurs, présentateurs, écrivains, grands patrons) sont généralement suivit par des centaines de milliers voir des millions de personnes en Chine. Elles ont toutes été invitées à montrer l'exemple, en prônant « la « vertu » et le « respect de la loi » en ligne.
 

Un internet « vertueux »

Cette "loi des 500" a aussitôt suscité une avalanche de critique. « Attention a vos followers, vous devriez suivre vos abonnés ! » La menace est adressée à Chine Nouvelle qui se trompe aussi parfois. Une allusion à la bourde du week-end. L’agence officielle avait dans un premier temps donné Istanbul vainqueur de la compétition pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2020, en lieu et place de Tokyo. Et évidemment, la « fausse information » avait été repostée plus de 500 fois. Sur son compte officiel (capture écran ci-dessus), le quotidien du soir de Changsha (sud de la Chine) tourne les choses en dérision : «  C’est Istanbul qui a gagné le droit d’organiser les JO en 2020, merci de reposter cela 500 fois ». Un avocat, dont on taira le nom, se veut même plus provocateur : « La première Cour et le Parquet populaire sont deux chiens de la police ! Merci de diffuser cette information 500 fois ! » Plus finement, Yang Bo, le directeur du centre de recherche sur le journalisme à Pékin a envoyé le message suivant (capture écran ci-dessous) à ses 9,7 millions d’abonnés :
 
« Le Parti Communiste Chinois doit savoir tolérer les critiques les plus dures. Quand elles sont vraies, il faut corriger ses erreurs. Quand elles sont fausses, il faut les considérer comme un encouragement ».
 
Le message est signé du… président chinois Xi Jinping !
 
« Merci de le faire suivre 500 fois. »
 
 
 
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A lire sur RFI

RFI 26.10.2011 A Taiwan, les blogueurs à l’amende pour publicité mensongère

RFI 08.02.2012 A la Une : Weibos, la fin des pseudos

RFI 12.04.2012 Chine : Les autorités tentent d'etouffer les "rumeurs" du net

 

A lire chez les confrères

 

 
 
 
 
 
 

 

REUTERS 21.09.2013 China police probe online whistleblower over blackmail suspicions

AFP 07.10.2013 Chine : Deux millions de personnes employées à surveiller internet

3 Comments

Charles Xue a fait un délit et il l'a avoué ; il mérite d'être arrêté.

salut serge merci pour l'info ;-) le lien a été rétabli http://www.rfi.fr/emission/20130905-chine-recherche-grand-exorciste

salut stephane, on ne peut pas telecharger votre dernier grand reportage sur le site. il vient sans son..