Chine, culture d’entreprise et lavage de cerveau

On avait plutôt l’habitude de voir la chorégraphie « Gangnam Style » ces derniers temps devant les salons de coiffure de Pékin. Les danses, chansons et slogans sont le lot quotidien des employés chinois en arrivant le matin au travail. Des séances bon enfant censées aider à la motivation des personnels avant une longue journée à servir la clientèle. La performance des hôtesses d’un hôtel du nord-est de la Chine aura été la goutte d’eau qui fait déborder la vase d’une culture d’entreprise jugée aliénante par de nombreux internautes. La scène a été filmée, voici la vidéo qui choque les réseaux sociaux  

 

Sifflez en travaillant, frottez en fredonnant… Elle serait heureuse Blanche Neige en Chine, pays où la motivation du personnel passe par les chants et les slogans. Après tout, les cadres finissent bien au karaoké avec les clients après un repas bien arrosé, les salariés peuvent aussi pousser la chansonnette ! Bon alors évidement, ce n'est pas toujours de bon cœur. L’exercice fait partie ici de la culture d’entreprise, voir même de la culture tout court. Car cette motivation par les slogans n'est pas nouvelle. Bien avant la réforme et l’ouverture du pays, les « danwei » (unité de travail) organisaient des séances de gym et de chants « pour la santé et l’esprit des ouvriers » (voir à ce sujet l'excellent blog de Ji Bai.) Sauf qu’aujourd’hui certains comportements ne passent plus.
 
 

"Ridicule"

 
« Ridicule » c’est le mot qui revient le plus à propos de la performance ci-dessous.
 

 
 
La scène a été filmée le 8 janvier dernier lors de la réunion annuelle des employées de l’hôtel Jiangcheng Arirang de Dandong, ville chinoise sur les rives du fleuve Yalou qui marque la frontière avec la Corée du Nord.
 
A 1mn48 (vidéo ci-dessus) : « On est les meilleurs, et on doit montrer le meilleur de nous même (…)
 
A 2mn20 en trépignant « Je suis le meilleur, je suis le plus fort, je suis le meilleur, je suis le plus fort (...) »
 
A 2 mn 36 en chantant : « Le groupe Jiangcheng nous apprend à gagner de l’argent / à devenir quelqu’un / à tout donner pour l’entreprise / à faire des efforts ensemble  » 
 
« Cet évènement était destiné à renforcer la solidarité au sein du personnel nous a confié ce matin au téléphone l’une des employée de l’établissement.  Tous les obstacles, toutes les difficultés qu’on a rencontré l’année dernière, on essaye de les transformer en points forts ».
 
C'est bien connu, ce qui ne tue pas rend plus fort. Obstacles et difficultés ont donc été symbolisés pendant l’exercice par une tentative de franchissement de ruban assez surprenante, un  mélange de "combat de boue" et de transe chamanique.
 
La vidéo a suscité un tollé chez les internautes et dans les journaux. Le quotidien des affaires de Chengdu (ouest) évoque sur son compte weibo un véritable « lavage de cerveau » (Chengdu Shangbaop).
 

Casser la voix

 
« Cela me donne envie de pleurer commente un internaute. Ces filles travaillent beaucoup pour gagner leur vie. Je déteste encore plus ce genre de patron »  (voir les commentaires sur le site de partage en ligne Youku).
 
Ce n’est pourtant pas la première fois que ce genre d’affaire défraie ainsi la chronique. En août dernier, les employés du groupe « Maque », spécialisés dans la vente de produit de décoration d’intérieur, ont dû s’allonger à plat ventre en signe de dévotion à leur travail : « L’entreprise me permet de survivre, le groupe Maque m’offre de quoi gagner ma vie » (Vidéo ici).
 
Une autre polémique remonte à 2009, la scène se déroule cette fois à Taiwan : Les salariés de la chaîne de restaurant Wang Pin crient, à s'en casser la voix, par-dessus le trafic automobile, de manière à être entendus par leurs chefs.
 

 
 
Des pratiques aujourd'hui dénoncées en Chine y compris par les médias. Dans la majorité des cas heureusement, les slogans restent bon enfant et n'exigent aucun exercice astreignant comme dans les exemples précédement cités. 
 
« Rendons gloire au drapeau du Parti, célébrons les 10 premiers employés de l’entreprise » récitaient ainsi les hôtesses d’un hôtel de Pékin en novembre dernier en accueillant  les délégués du Parti communiste venus assister au 18ème congrès.
 

Hotesse hôtel délégués du 18ème congrès Pékin novembre 2012 by Stéphane Lagarde

 

 

Actualisation du billet
 
FRANCE24 17.01.2013 Des employés "machines à obéir"
 
 
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1 Comments

c'est pas extraordinaire. Mais c'est banal, même en France. Interroger les employés de carglass et ils vous diront qu'ils font la même chose chaque semaine.
La chine n'est pas une exception.