Pékin asphyxiée, Séoul frig-horrifiée

Alors il fait gris à Pékin. Le compteur de particules sur le toit de l’ambassade des Etats-Unis, au cœur de la capitale chinoise, a frôlé hier l’arrêt cardiaque. Une densité de 845 microgrammes de micro-saletés par m3 a été mesurée en fin d’après-midi. A ce niveau là, autant brancher directement ses poumons sur le pot d’échappement d’un camion.

 

Décidément, la météo fout le camp. La faute à la fonte des glaces et au réchauffement climatique ? C’est à ne plus rien y comprendre : Cette année on grelotte au Liban, il neige à  Jérusalem, à Sydney et même dans le sud de la Chine où les coulées de boue entrainent des glissements de terrain. Bilan : 46 morts selon les communiqués officiels.

Smog qui peut à Pékin !

La météo est détraquée, mais si en plus on ne respire plus !? C'est le cas à Pékin où depuis vendredi, la pollution est de retour. Le gris du ciel gomme le paysage, avale les immeubles. C'est à nouveau un coup du brouillard ose nous faire croire le China Daily qui ne manque vraiment pas d’air.


Image CCTV

Or chacun le sait bien ici, ce n'est pas la brume qui pose problème. Le souci c'est ce qu’elle contient (cf. Particules élémentaires sur ce blog) et en l’occurrence de vilaines microparticules invisibles à l’œil nu (moins de 2,5 microns) mais dévastatrices pour les poumons. Même CCTV le dit ce dimanche dans un dossier très complet (ici) : Les microparticules c'est très mauvais pour la santé !

A titre de comparaison, l'Europe  considère qu’au-dessus de 50 la situation est critique. En France, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie va même plus loin et estime que sur le long terme il faudrait même prendre 10 pour référence. A Pékin ce week-end, c'était 728 !

 
Voilà donc un temps à ne pas mettre la grand-mère et les gosses dehors. La pollution est massive et nous sommes tous devenus des "aspirateurs" à particules explique le TeaLeafNation. Tours fantômes, phares allumés en plein jour sur les périphériques de la capitale, les anglosaxons ont trouvé un hashtag qui résume bien la situation sur twitter : #airpocalypse.

Les poumons des plus jeunes et des personnes âgées sont en effet les premiers touchés selon les médecins. Chez les expatriés, les mères de familles culpabilisent. Chez les Chinois qui forcément ont moins le choix, les internautes bataillent pour obtenir d’avantage de transparence sur les mesures de la qualité de l’air.

 

Les internautes chinois sont furibards, ce qui ne leur empêchent pas d'avoir de l'humour.

La blague court sur les réseaux sociaux en ce moment : "J'ai commandé une valise bleue ciel sur internet et elle est arrivée grise se plaint un client (cf image ci-dessus) ! Réponse du vendeur : Désolé monsieur, mais notre magasin est basé à Pékin !!"

Autre joke très en vogue : "Vous connaissez la plus longue distance au monde ? C'est quand tu es debout place Tiananmen, et que tu ne vois pas le portrait de Mao !".

Vu la taille du portrait en question, on comprend que certains aient eu l'impression de s'être fait enfumer. 

Le thème est décliné par Sohu.com."On vit dans une atmosphère empoisonnée" titre le site d'information, le bandeau titre étant lui même évanescent et demande un click pour sortir de la brume (image ci-dessous).

 

Les titres de chansons détournées font également leur retour. Parodie par exemple de "Beijing beijing" : "Qui cherche dans le brouillard, qui respire dans le brouillard, qui pleure dans le brouillard, qui étouffe dans le brouillard".

Des parodies similaires avait envahie le net chinois en 2011, suite à de longues semaines de smog. Les « guerriers du brouillard » avaient alors obtenur la publication des taux de ces fameuses microparticules 2,5 dans 74 villes du pays.

 

En attendant, tous aux abris. ! Et ça au moins jusqu’à mardi nous dit la mairie de Pékin, le temps que le brouillard se décide à aller polluer plus loin. Ce qui n’empêchera pas d'ailleurs les plus de 5 millions de véhicules en circulation dans la capitale chinoise de continuer à fumer tranquille. L’horizon devrait donc rester boucher encore quelques jours, ce qui à l'avantage d'être pratique pour les courses. Nous avons vu beaucoup moins de monde sur le marché ce matin à Pékin, même chose hier soir à la caisse de Carrefour.

 

Séoul sous la tente

Hauts les masques ! Nous avons vu en revanche des boulevards entiers marcher le visage barré par un cache-nez. Chacun le sien et il y en a pour tous les goûts : Des blancs tout simples en papier achetés à la pharmacie, quand d’autres beaucoup plus sophistiqués sont presque devenus tendances (cf. photo du New York Times.). Les articles sur les « masques branchés » et le boom des purificateurs d’air devraient bientôt débouler dans les magazines.

 

La météo fait des heureux chez les petits commerçants. A Séoul, ce sont les vendeurs de tentes qui se frottent les moufles. On croyait le produit saisonnier, voilà que la 2 places fait son apparition en plein hiver à… l’intérieur des appartements !La capitale-sud-coréenne fait des économies d'électricité. Avec la crise, le système D est de retour et les Coréens font du camping chez eux. Le bouche à clavier n’a pas forcément raison tout le temps, mais le mot est passé chez les internautes en Corée du Sud. Il paraît qu’en plantant la tente au milieu du salon, on a moins froid à la maison !?

 

Si vous n’aimez pas le camping, il ne vous reste plus qu’à coller du papier bulle sur les fenêtres. Selon les internautes sud-coréens, le truc permettrait de gagner 4 degrées et d’économiser ainsi 30 % d’énergie. Bon c’est sûr, on voit moins bien dans la rue dans face mais au moins on se réchauffe. La semaine dernière, Pékin et Seoul ont atteint leur record de froid. Trois décennies qu'on n'avait pas vu les thermomètres plonger aussi bas ! Crise oblige, les entreprises sud-coréennes ont reçu pour consignes de limiter la température à 20 degrées à l’intérieur des bureaux. Pour les employés qui craignent d’attraper un rhum aux poignets, les chauffe-claviers électriques sont devenu un plus indispensable (photo ci-dessous). Là-aussi on se les arrache sur internet nous dit-on.

 

Des économies de chauffage dans un pays autrefois habitué à dormir sur des sols chauds à s’en faire gonfler les varices, l’effort est remarquable, même si à côté de cela Seoul reste une guirlande de Noël allumée toute l’année. Pas question en effet de faire une croix sur les néons ; la capitale sud-coréenne dispute aujourd’hui le titre de ville lumière à Las Vegas et donne souvent l'impression, quand on en revient et qu'on arrive sur les boulevards parisiens ou les avenues de Pékin, d'être descendu à la cave et d'avoir grillé l'ampoule. On se consolera en se disant que quand la pollution n'est pas là, au moins il fait beau à Pékin. C’était encore le cas au début de la semaine dernière. Ciel dégagé dans le hublot cradingue du Boeing 777. Vue d'en haut, on comprend à quel point la "ville du nord" (« Bei » « Jing ») est une capitale du désert (En 2010 nous avons compté jusqu'à 100 jours sans pluie). Pas une goutte de pollution et des gorges si bien dessinées qu’on aurait presque cru voir un herbier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BONUS La région de Pékin par temps clair

En passant au-dessus des belles montagnes de Pékin et sa région. Il n'y a pas photo ! Ecrans de siège, espace pour les jambes et menu végétarien, c'est  mieux sur Korean Air !  

 

 

 

 

 Pour suivre Stéphane Lagarde sur Twitter : www.twitter.com/@StephaneLagarde

 

 

 

 

 

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