Chine, quand Internet déborde dans la rue

 

C’est la rue qui s’exprime sur internet et c’est le net qui fait évoluer la société chinoise. On connaissait déjà l’humour des utilisateurs des réseaux sociaux, les internautes viennent de réinventer le duel, non plus à l’épée mais au clavier. Cette après-midi à Pékin, une querelle virtuelle s'est même réglée à coups de poing et devant témoins, dont un certain Ai Weiwei.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
C’est l’un des grands plaisir du correspondant de presse en Chine. Tous les matins à Pékin, on n’ouvre pas les journaux plombés par la langue de bois officielle, mais on consulte le web chinois. Régal assuré ! L’internet en Chine est non seulement truffé d’informations, il est surtout bourré d’humour et reflète à sa manière cette société qui court beaucoup plus vite que les pendules de Zhongnanhai (la résidence des dirigeants à Pékin).
 

Réglement de comptes à Chaoyang

 
L’histoire du jour pourrait donc s’intituler : « Règlement de compte à Chaoyang Parc. » Il était près de 13 h ce vendredi, lorsque qu'une querelle au départ virtuelle a dégénéré de façon tout ce qu'il y a de plus réelle. Nous sommes dans un célèbre lieu de verdure de la capitale chinoise. Le professeur Wu Fatian y a donné rendez-vous à la journaliste Zhou Yan -alias « Cishiyanyun »- pour en découdre.
 
 

Combat "tweeté" en direct

 
La journaliste est aussi blogueuse et visiblement blagueuse. Elle va raconter en direct son combat via son compte weibo, le tweeter à la chinoise.
 
12 h 50 « Ca y est ! Le professeur arrive ! »
 
12 h 53 « Je viens de lui lancer un œuf »
 
12h54 « Le professeur est tombé ! »
 
 
 

Duel dans le brouillard

 
Comme souvent en cette saison, Pékin est plongé dans un épais brouillard lié aux grosses chaleurs. La brume y est aussi collante que l'eau d'une cabane à sucre. Un dos de cahier, un bout de carton, un Ipad, tout ce qui est plat et agitable est aussitôt transformé en éventail. Autant tenter de remuer la mélasse à la petite cuillère ! Millions de verrues accrochées aux forêts de béton, les climatiseurs tournent à plein et figent les paysage. Les enfants retiennent leurs cris, les oiseaux s'arrêtent de chanter. Inutile de rire, plus la peine de pleurer, le moindre effort pour s'extirper de la moiteur de ces après-midi brûlants semble insurmontable.
 
C'est pourtant le moment choisi par Miss Zhou et le Professeur Wu pour leur rendez-vous. On est loin, encore une fois, du « duel au soleil » chanté par Etienne Daho. C'est même tout l'inverse, un vrai « temps de sauna » comme disent les Pékinois. Du coup, le professeur est venu armé d’un parapluie. Ce bouclier bleu improvisé lui permet d’esquiver l’œuf...
 
 
 
 
... mais pas les insultes ! Les internautes ont en effet découvert le lieu du rendez-vous sur le réseau et ne voulaient surtout pas manquer ça. Ils filment la scène avec leurs téléphones portables. Ils insultent le professeur, le traitent de « chien ». 
 
 
 
 
Wu Fantian se roule sur le sol et se protège le visage devant l'assemblée qui gronde.
 
"Ligue contre les rumeurs"
 
Cela fait un moment il est vrai que ce dernier hérisse le poil des weibonautes. Professeur à l’Université de la Justice de Chine, Wu Fatian est toujours du côté du manche et fait partie de ceux qu’on appelait autrefois les « wu mao », rémunérés « cinq centimes de yuan » par commentaire favorable au gouvernement.
 
Légende urbaine ou réalité, sur de nombreux sujets en tous cas Wu Fatian est présent dès qu’il s’agit de défendre la parole officielle, allant même parfois jusqu’à devancer les censeurs. C’est lui et ses amis par exemple, qui ont mis en place, il y a un an, la « ligue contre les rumeurs sur weibo ».
 
Il y a deux jours, le professeur ne peut s'empêcher de commenter l'actualité. Les habitants de Shifang sont dans la rue. Ils manifestent contre l’implantation d’une usine métallurgique qui, selon eux, risquerait d’entrainer la pollution des sols de cette ville de la province du Sichuan au sud-ouest du pays.

Professeur contre blogueurs

 
C'est plus fort que lui. Wu Fatian  intervient sur internet : « Est-ce que ce projet risque vraiment de polluer l’environnement s’interroge le professeur ?
 
Et d'ajouter : "Le cuivre et le molybdène –dégagé par l’usine- sont des éléments dont on a besoin dans notre corps (…) Ca ne devrait donc pas créer de pollution pour l’environnement »
 
Lorsque le message arrive sur l'écran, le sang de Zhou Yan ne fait qu’un tour. 
  
 
 
La blogueuse est aussi journaliste à la télé du Sichuan. Elle connait bien Shifang.
 
"Je vais le dérouiller !"

 

Là voilà qui réplique sur weibo : « Merde ! Si Wu Fatian ose sortir de chez lui, je vais le dérouiller ! »

 
Le professeur fonce à son clavier et juge les propos de la jeune femme "incorrectes."
 
On connait la suite... Le rendez-vous au parc, l'oeuf, les insultes qui fusent, puis les coups. A 13h10, la police intervient, tous les deux vont devoir s’expliquer au commissariat
 
 

Ai Weiwei est dans le pré

 
Wu Fatian a depuis repris le clavier  : « Je racontrais un jour cette scène digne de la révolution culturelle ! J’ai été battu par une trentaine de personnes explique t-il, y compris par Zhou Yan et Ai Weiwei ».
 
Tiens, c’est vrai ! On l’avait oublié celui là ! L’artiste Chinois le plus célèbre à l'étranger, la bête noire du régime était aussi dans le parc ce vendredi.
 
Il faut dire qu'entre le barbu du stade du nid d’oiseau et le professeur de l’Université de la justice de Chine, ce n'est pas vraiment le grand amour.
 
Nous vous en avions parlé ici même sur ce blog. La dernière fois, les noms d'oiseaux s'étaient échangés via internet,  aujourd’hui le différent s'est réglé sur le pré.      
 
 

 

2 Comments

Sounds like a joke rather than a real fight. Chinese Netizens are really fun and creative

beat this naked dog!so funny!