François Hollande, l’homme « mystère » pour les Chinois

Il va falloir s’y habituer, on dira désormais « Ao-lang-de » en chinois (littéralement l’homme aux « vertus mystérieuses ».) Les dirigeants communistes vont devoir s’y faire, eux qui affirmaient avant le premier tout préférer Nicolas Sarkozy à François Hollande, se disent désormais « prêts à travailler » avec la France et avec un homme que les Chinois ont découvert dans leurs journaux.

Pékin cache sa joie au lendemain de la victoire de François Hollande. Dans le jargon de la diplomatie chinoise, être "prêt à travailler" avec la France ne veut pas dire sauter  d'enthousiasme. La Chine emploie généralement ces termes quand elle tâte le terrain. Dernièrement, la Chine était ainsi "prête à travailler" avec le Japon, avec l’Inde, avec la Corée du Sud etc… 
 
Ce n'est plus un secret pour personne, les dirigeants communistes ont annoncé avant le premier tour que Nicolas Sarkozy leur allait mieux, notamment par la voix du vice-premier ministre Wang Qishan comme le rapportait alors notre confrère Gabriel Grésillon du journal Les Echos
 

« Le changement, c’est jamais ! » 

 
Plusieurs raisons à cela, la première étant que Pékin n'adhère pas au slogan de François Hollande. Pour les dirigeants communistes, le mot d'ordre serait plutôt le « changement, c’est doucement » voir « le changement c’est jamais ! ».
 
La Chine a toujours préféré la stabilité aux révolutions et les libéraux aux démocrates-sociaux. « Mao était plus heureux quand la droite était au pouvoir » explique ainsi Pierre Haski dans Rue 89. On connait aussi cette histoire des responsables de l’ex-URSS qui avaient choisit VGE plutôt que Mitterrand il y a 31 ans.
 

 
Comme le politburo du Parti Communistes Chinois -PCC-, les libéraux préfèrent placer le développement des échanges au coeur des relations bilatérales. Les droits de l’Homme viendront après, ou avec, ou pas d'ailleurs selon les points de vue. C’est donc avec l’UMP et non avec le Parti Communiste Français que Xavier Bertrand et les dignitaires du PCC ont signé un mémorandum d’accord qui a fait grincer des dents au sein de la droite républicaine. 
 

L’inconnu du 6 mai

 
Et puis surtout, Pékin ne connait pas encore le nouveau chef de l’Etat. François Hollande est en effet le premier président français à n’être jamais venu en Chine avant d'être élu. 
 
Il y aura donc probablement un temps d’adaptation pour ne pas dire de flottement, plusieurs semaines au moins pendant lesquelles les autorités chinoises vont juger l’action du président Français sur le pacte de stabilité et le règlement des dettes européennes notamment.
 
Sans compter les questions qui fâchent : "En tant que chef de file de la gauche, il peut soulever des questions plus sensibles avec les dirigeants chinois, tels que les droits de l'homme, qui seront probablement un test pour la relation sino-française" affirme Chen Zhimin, professeur au Centre d'études européennes de l'Université Fudan, dans le Global Times. Le quotidien anglophone propose ce lundi une rapide synthèse des 5 années de mandat Sarkozy et de son rapport avec la Chine.
 
Pour Tian Dewen, membre de l'Académie des sciences sociales de Chine (ASSC) interviewé par Chine Informations estime toutefois que la "réussite" de François Hollande  ne changerait finalement pas grand chose aux relations entre la Chine et la France. 
 
François Hollande qui a reçu lundi après-midi les félicitations de son homologue chinois Hu Jintao, a déclaré à l'ambassadeur de Chine en France, Kong Quan, qu'il espérait que les relations amicales et la coopération entre la France et la Chine soient renforcées rassure enfin Radio Chine Internationale

 

 
Toujours dans le Global Times nous lisons les propos de Feng Zhongping. "Il y aura une période de rodage entre la Chine et la France après l'élection explique le directeur de l'Institut d'études européennes de Chine. Idéalement, les deux parties devraient faire preuve de patience dans le processus de compréhension mutuel. »
 
François Hollande a en tous cas crée la surprise. L’agence Chine Nouvelle  ressort Robert Musil pour décrire un homme sans (3) qualités : Il n’a jamais été ministre, il n’a pas encore pris de « grande décision » et n’a pas de « particularité ».  Et c’est justement cet « homme normal » qui a fait tomber son adversaire. Selon Xinhua, « les français ont trouvé que Nicolas Sarkozy était trop dur ».
 

"Roi de France"

 
Homme normal contre homme providentiel : Est-ce qu’il aura le temps d’acquérir l’expérience nécessaire François Hollande se demande le Wenhui ribao ? Dans un pays qui ne vote pas et où les dirigeants sont désignés au terme d'un très long processus d'apprentissage et surtout de sélection au sein du Parti, la question inquiète. Le journal ne connait pas visiblement le parcours politique de François Hollande pourtant très long, là-aussi, au sein du Parti Socialiste Français : « Il n’a pas le temps d’apprendre à être Président avant le G8 et les sommets européens qui arrivent ." "Dans le protocole, il n’existe pas de statut de ‘première dame concubine’ s'interroge encore  le journal (…) Hollande sera peut-être le deuxième président à se marier à l’Elysée après Sarkozy » 
 
 
 
 
Il faut donc expliquer aux lecteurs ce que sont les élections à la française, avec quelques erreurs... Sur l’image ci-dessus, François Hollande est à la Une du Guizhou Qianzhong Zaobaole Matin de Guizhou-. Titre : « Mulangde, le nouveau roi de France ».
 
Ce qui vaut une tempête de mauvaise humeur dans le courrier des lecteurs : « Seuls les médias Chinois pensent qu’un président est un roi, c’est juste un nouveau boulot pour quelqu’un qui a gagné l’élection » explique l'un des abonnés contrarié en réaction à l'article sur le site du journal.
 

"L’homme à la moto"

 
Si l’accordéon et Edith Piaf ont fait danser la place de Tulle hier soir, pour Shibadunma -pseudonyme d'un internaute sur les réseaux sociaux-, François Hollande serait « un homme simple qui aime aller au travail en moto ». Est-ce que les reportages, désormais classiques des soirées électorales, de ces motos-journalistes suivant le Président élu entre l'aéroport et la place de la Bastille cette nuit ont inspiré ce commentaire ? Une chose est sûre, l’opinion chinoise découvre elle aussi le nouveau chef de l’état français. 
 
François Hollande contrairement à son prédécesseur serait ainsi un Président "proche du peuple" et « passionné de football » dans cette vidéo diffusée sur le forum Sina.com et dans laquelle on le voit tirer un pénalty. Il serait même un admirateur du club anglais d’Arsenal selon le réseau social des fans chinois d’Arsenal 
 
 

Attente des étudiants chinois 

 
Des portraits humains contrebalancés par des critiques sur son programme économique. Pour « ShawnSunJunzixuan » –pseudo-, avec la Chine "La gauche est pire que Sarkozy ! » Le Président français aurait « peur de la Chine » et "pense que la Chine est responsable du déficit commercial de la France ».  
 
Une crainte atténuée par l’espoir des apprenants le français qui rêvent d’aller étudier en France. Sur le microblog Fayu Shijie (« Le monde de la langue française ») . Leo Xieyang a écrit : « Monsieur Hollande s'il vous plaît, soyez gentil avec les étudiants étrangers. »
 
 
 ►Actualisation du billet 9 mai 2012. Une excellente nouvelle pour les sinisants : Un diplomate parlant le mandarin sera le nouveau conseiller diplomatique de François Hollande. Il s'agit de l'ancien directeur d'Asie et d'Océnie du MAE, Paul Jean-Ortiz. La France qui jusqu'à présent avait le regard tourné vers l'Atlantique, devrait donc regarder d'avantage vers l'Asie Pacifique comme les Américains où les Allemands d'ailleurs. On se souvient que lors de sa tournée dans la région en novembre dernier, le président Obama avait fait de l'Asie Pacifique la priorité de la diplomatie américaine pour les prochaines décennies. Bref une page entre la France et la Chine reste à écrire, "l'histoire commence" dit Richard Artz dans Le Point
 
►Edito du China Daily sur le "objectifs communs" sino-français malgré les "remarques peu amicales de François Hollande avant les élections" 
 
►Et notamment ce propos attribué par Eric Dupin à François Hollande : "Le problème, il est chinois. Ils trichent sur tout"
 
 ►François Hollande et la Chine, de la menace au pragmatisme Rue 89.
 
 

Résultats Chine, Nicolas Sarkozy  réduit son écart mais reste en tête des suffrages  

Hong-Kong 72, 70 % pour Nicolas Sarkozy (90 % en 2007) contre 27, 3 % pour François Hollande
 
Shanghai. 64 % pour le Président sortant (83 % en 2007) contre 36% pour François Hollande.
 
Canton. 56, 28 % pour Nicolas Sarkozy contre 43, 72 % pour François Hollande.
 
Pékin. Nicolas Sarkozy a rassemblé 50, 77 % des suffrages (57 % en 2007) contre 49, 23 % pour François Hollande

 

1 Comments

There doesn't seem to have been much of a bump as reflected in the polls. I think Arun is right that most of the drift from Hollande is tdarwos other leftist candidates, most especially tdarwos Me9lenchon. My assumption is that most, probably all, of these voters will come home to the PS in the second round (unless Hollande does something stupid like attacking Me9lenchon) Nevertheless, I think Sarkozy has done well out of this terrible situation in Toulouse even if it isn't reflected in the polls. He didn't overreact either during or in the aftermath. For example, in his decision to exclude certain radical preachers, Sarkozy focused on many of the same points that were made by Fethi Benslama in the brief commentary that Arun posted. Sarkozy's handling of Merah's burial----he's French, just put him in the ground and don't make a production of it---struck me as correct and striking all the right notes for a president.