Fin de Parti ?

La décision a été confirmée officiellement peu avant minuit hier soir ouvrant les vannes de la critique aux médias officiels. L’exclusion de Bo Xilai du comité central du Parti communiste chinois se retrouve ainsi en Une de la plupart des journaux et confirme ce que les "rumeurs" sur internet disaient déjà depuis plusieurs jours. Une fin de Parti pour Bo Xilai qui n'empêche pas les commentaires, bien au contraire.

 

Vive la purge ! La presse officielle a beau se mordre les lèvres, les Pékinois ont bien du mal à retenir leur sourire ce mercredi devant les kiosques. A croire que les rotatives n’avaient que quelques caractères en magasin. Un titre copié-collé de Chine Nouvelle hier soir, revient massivement sur les premières pages des quotidiens : "Le Parti a ouvert une enquête sur de « sérieuses violations de la discipline » commises par Bo Xilai". Sous titre : "Gu Kailai –sa deuxième épouse- est soupçonnée d’homicide volontaire". Le Quotidien du Peuple affirmant soutenir de son côté -chose totalement folle et surprenante- « la décision correcte du parti central. »  

    

Rumeur « vraie »

Un pour tous et tous contre un homme dont la femme est aujourd’hui soupçonnée d’être impliquée dans une affaire de meurtre. La critique unanime prête à sourire, car la propagande ne fait que reprendre ce qu'elle qualifiait hier de "rumeurs".
 
« Ce qui était encore une rumeur est donc un fait aujourd'hui avéré » fait ainsi mine de s’étonner un petit malin du web. Et une rumeur "vraie" qui se répand comme un feu de paille. La dépêche Chine Nouvelle annonçant l'éviction de Bo Xilai mardi soir, a été repostée plus de 50 000 fois dans les 15 minutes qui ont suivit sa publication.
 
« C’est un évènement de dimension national pour un grand peuple, pourquoi alors avoir attendu près de minuit hier soir pour le rendre public » ironise un autre sous le pseudonyme de « Xinwenyisi » -le « journalisme est mort"-. 
 
Difficile en effet de s’y retrouver entre le vrai et le faux, la seule chose a peu près certaine dans cette histoire est qu'elle dépasse largement les plus folles espérances des meilleurs scénaristes d’Hollywood.
 
  

Bo exclu du politburo

 
Et c’est donc Gu qui tombe à l’eau ! Si vous avez aimé, la tentative de défection du chef de la police de Chongqing au consulat américain de Chengdu -ouest de la Chine- en février dernier, vous aimerez certainement l’empoisonnement d’un homme d’affaire dans une chambre d’hôtel par le clan des Kennedy version chinoise. Et ce n'est pas finit ! On attend désormais les prochains épisodes avec impatience, car on vous le répète "une enquête est en cours".
 
On ne vous avait pas menti, il s'agit d'une affaire à rebondissements avec de nombreux personnages. La femme de Bo a d'ailleurs finit par voler la vedette à son mari. Transférée devant la justice, Gu Kailai est en effet soupçonnée de complicité dans le meurtre de Neil Heywood. Cet homme d’affaire britannique a été retrouvé mort dans une chambre d’hôtel à Chongqing le 14 novembre 2011.
 

Kennedy Chinois

La première version des faits fournit par les policiers attribuait le décès à une « surconsommation d’alcool », une version démentie depuis par le traître du clan, à savoir le super flic de Chongqing qui a tout déballé aux diplomates américains et probablement la fin tragique du consultant britannique. L’homme d’affaire était en effet un proche de Gu Kailai. Leurs relations se seraient ensuite nettement détériorées jusqu’à la disparition de cet ami qui en savait visiblement beaucoup trop.      
 
C’est donc aujourd’hui un « modèle » qui s’effondre. La famille du héros de la lutte contre la corruption a violé les règles. Les Kennedy de Chongqing ont un cadavre dans le placard. Après moi le déluge des commentaires sur internet, si ça continue les weibonautes vont finir par mettre tous les dirigeants chinois dans le même sac. 
 
 
Il faut donc agir et vite ! D'abord, on fait taire les amis du clan. Il y a quelques jours plusieurs sites néo-maos supporters du Prince rouge ont été fermés de manière préventive. Ensuite, on évite que la purge ne suscite un enthousiasme débordant dans l’autre sens. Pour calmer les sourires, les autorités filtrent tout ce qui ce qui peut l’être sur les « weibos ».
 

La fin des tomates sur l'internet chinois 

Les termes « Bo Xilai », « Gu Kailai », « Chongqing » et même "tomate" et "ragout" -qui se disent "bo" et xi" en chinois- étaient ce matin bloqués sur le premier des réseaux sociaux chinois. 42 sites internet et plus de 200 000 commentaires ont été effacés et plus de 1000 personnes suspectées de diffuser de "fausses nouvelles" ont été arrêtées depuis début mars affirme Chine Nouvelle. Ce qui n’empêche pas de chanter… « Y’a de la joie, bonjour, bonjour les hirondelles » se dit désormais Bo Xilai chez les réformateurs
  
L’artiste Ai Weiwei a réuni une partie de son équipe dans son atelier pour faire une chorale : « Ton regard est aussi acéré qu’une épée, tu dénonce sans relâche le mal et les ténèbres, ton nom fait trembler de peur les officiels corrompus… » Une parodie pour fustiger celui qui a longtemps été qualifié de héros de la lutte contre la corruption.

 

Dr. Bo et Mister Lie

Etrange cas que cette affaire Bo Xilai. Même si ce ne sont encore que des révélations au compte goutte, elles ont déjà totalement modifié l'image de l'ancien patron de Chongqing. La petite musique de Bo Xilai et son orchestre ne sonne plus comme avant. Ce fils de Prince continue toutefis d’être aimé dans la ville rouge notamment pour sa campagne anti-mafia.

Bo Xilai pourrait même revenir dans quelques années sur le devant de la scène estime Li Weidong, ancien rédacteur en chef du magasine China Reform tout en ajoutant que la part d’ombre dans la gestions des affaires du clan a contraint le Parti à faire le ménage.    

 

 

Après avoir tenté de freiner les spéculations en fermant les commentaires sur weibo lors des trois jours de la fête des ancêtres début avril, les autorités n’ont pas eu d’autres choix que de confirmer ce qui bourdonnait sur la blogosphère depuis des semaines.
 
Impossible en effet de laver son linge sale en famille comme il est de tradition au pays de l'harmonie. Depuis la bombe lâchée au consulat américain de Chengdu, les langues se délient et on en sait chaque jour d'avantage sur les Kennedy de Chongqing. Je vous invite à lire ici l’excellent papier de nos confrères du Wall Street Journal qui comme souvent avaient un coup d’avance.
 

Horus et l'architecte français

Gu Kailai a donc ouvert une compagnie de conseils et d’investissements dans les années 90 dans le sud de l’Angleterre. L’entreprise baptisée « Horus » du nom du dieu faucon de la mythologie égyptienne avait pour principal actionnaire un certains Xu Ming. Le patron du groupe Shide Chemical à Dalian fait lui aussi l’objet d’une enquête pour corruption.

On sait encore que jusqu’en 2003 la société Horus partageait la même adresse que le cabinet d’avocats Kai Lai renommé Ang Dao en 2001. Nous avons tenté d’appeler le cabinet cet après midi, sans succès. Il faut dire que  les amis ou les anciens amis de Mme Gu sont peu prolixes. Parmi les "consultants étrangers" dont aimait s'entourer la dame de Chongqing, revient notamment le nom de Patrick Henri Devillers. L’architecte français était un ami de la famille du temps de son passage à Dalian et à Pékin nous dit le WSJ, mais pour l’instant lui aussi est aux abonnés absents.

Lutte des places

Attendons donc de connaitre les résultats de l'enquête même si dors et déjà, certains prévoient que les "rumeurs" sur internet arriveront plus vite que la version officielle. La lutte des places se poursuit en attendant au sein du Parti et avant la transition à la tête de l'appareil d'Etat à l’automne prochain. Il est donc difficile de dire pour l'instant comment seront redistribuées les cartes. Une chose est sûre en revanche... Depuis Pékin, la campagne électorale en France semblait déjà bien terne, elle l'est encore d'avantage comparé au séisme politique de l'affaire Bo Xilai.