Particules élémentaires

Les premières neiges sont tombées sur Pékin ce vendredi, mais cela ne change rien à la couleur du ciel. Depuis plusieurs semaines, la capitale chinoise est plongée dans un gris à tuer les impressionnistes...

 

 5ème périphérique de Pékin noyé par la pollution
  

 

L’hiver pékinois est définitivement la saison préférée des amoureux de l’ancienne capitale mandchoue. Protégés et numérotés, les plaqueminiers des vieilles ruelles peuvent enfin étendre leurs branches. Les feuilles sont tombées ; l’orange des kakis brille sous le soleil froid ; les colporteurs à tricycle chantent les bonheurs de l’automne... enfin on respire !

Le ciel bleu et l'herbe verte uniquement sur l'écran. Photo SL

 

Seulement voilà, la carte postale a perdu de ses couleurs. Un gros vilain nuage s’est installé sur la capitale nous dit la Nasa.

 
Du coup, certains roulent comme dans un tunnel, en plein phare au coeur de l'après midi !
 
Photo SL
 

Gris et brouillard

 
« On ne voit plus les immeubles à 100 mètres » nous confiait déjà cet été le franco Irlandais Nicholas Roche sur le prologue du Tour de Pékin 
 
 
Nicholas Roche sur le Tour de Pékin 5 octobre 2011
 
 
 
 
 
 
 
Nicholas exagérait peut-être un peu, il faisait gris très clair ce jour-là dans la capitale. Le brouillard est donc « psychologique » affirment les autorités. Car officiellement, la qualité de l’air s’améliore. Chasse aux voitures, limitation des chantiers, fuites des usines… Le dernier grand producteur d’acier de la capitale a été invité à polluer ailleurs il y a tout juste un hiver. ►Les aciéries Shougang déménagent
 
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Il fait beau on vous dit ! Il y a quelques jours, l’un des responsables « bon air » de la municipalité affirmait à l’AFP que la capitale avait gagné 12 « bons jours » en 3 ans : 274 journées avec un air de bonne qualité pour les JO en 2008, 285 en 2009 et 286 en 2010
 

Le royaume des fées

 
Alors pourquoi cette « polémique autour de nos poumons » demandait Claude Lely dans Aujourd’hui la Chine ? Peut-être parce qu’il y a brouillard et brouillard : « En chinois, ont dit que le royaume des fées est noyé dans le brouillard, comment les fées pourraient-elles vivre entourées par la pollution ? » confiat dernièrement le directeur du bureau de la protection environnementale de Pékin.  
 
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Comment expliquer alors qu’en octobre dernier, les fées n'aient pas pu empêcher la fermeture de six autoroutes et le retard de plus de 200 vols en raison de la chape de plomb qui pèse sur la capitale ? Comment expliquer les yeux qui piquent et la gorge qui gratte ? Comment expliquer ce ciel de Bruges dans une saison ici  habituellement sèche et ensoleillée ? Et surtout, comment expliquer que, tous les jours, le twitter de l’ambassade des Etats-Unis plombe l’ambiance ? L’air qu’on respire serait devenu « hazardous » disent les Américains…
 
 
 
 
Cette vision atrocement pessimiste n’est évidement pas celle du bureau de l’environnement pour qui la différence s’explique aussi par une question de tamis. L’ambassade américaine mesures les particules fines en dessous de 2,5 microns (PM 2,5). La mairie de Pékin se concentre sur les grosses de 10 microns (PM10).
 
 
 
 
 
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Or ce sont bien les microparticules qui sont les plus méchantes, puisqu’elles vont se nicher jusqu’à l’intérieur des alvéoles de nos poumons. Twitter étant censuré en Chine, les données de l’ambassade américaine restent inaccessibles à la plupart des habitants. Mais l’information n’est pas passée inaperçue. "On nous ment comme on ne respire plus" semble dire l'opinion. Les étudiants, les journalistes et les bloggeurs exigent d’avantage de transparence sur les petites particules.
 

 
"Accueillons l'automne qui apporte le brouillard dans toute la ville" chante cette vidéo diffusée sur l'internet chinois en novembre 2011. Une parodie de la chanson "bienvenue à Pékin" crée pour les jeux olympiques il y a trois ans :
 
"Bienvenue dans la capital du brouillard,
Il y a des molécules dans l’air,
Mes amis, pensez à laver vos vêtements tous les jours,    
Bienvenue dans la capital du brouillard,
On a confiance dans les capacités de notre gouvernement,
Ne pensez pas qu'au PIB..."

 

Pince-nez, masques en papier, les « anti-brouillards » sont en guerre contre les particules  

 
Sur son weibo (l'équivalent chinois de twitter) et sous le pseudo la "boite noire" (heixiazi), un internaute pardodie les publicités contre le tabac : Respirer est nuisible à la santé ! 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Avec le même humour potache et sur le mode "même pas peur", un microblogeur affirme qu'il ne craint pas le brouillard puisqu'il est équipé pour aller au travail.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Notre camarade Renaud de Spens nous signale aussi cette critique détournée d'un internaute évoquant le smog de Londres en 1952 et accusé d'être "responsable de 4 000 décès dans la capitale britanique". 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette ONG à Pékin prête sa machine PM2,5 aux habitants qui souhaitent vérifier ce qui flotte dans l'air...
 
Photo SL
 
 
 
 
 
 
Les formations ont lieu dans l'appartement qui sert de bureau à l'organisation de défense de l'environnent
  
 
 
La machine à particules
 
 
 
 
Par beau temps, on peut même laisser le café dehors. 
 
 
 
Il est vrai que la qualité de l'air était exceptionnelle ce jour là dans la capitale. Une date a marquer d'une croix blanche nous confie cet ingénieur électronique testeur de particules à ses heures.
 
Après il reste a diffuser les résultats. Un autre de ces guerriers du brouillard répond au pseudo de Qiyideendian. Toute la journée, il blog tout ce qu'il peut pour tenter d’informer un maximum de gens sur la pollution.
 

Rencontre chez lui, toutes fenêtres ouvertes.
 
 
Les autorités de Nankin ont publié les chiffres des PM 2,5 avant de se faire censurer. De nombreux Pékinois attendent la même chose du bureau de l’environnement de la capitale. Vite, vite un peu d’air…
 
 
 
 
En attendant heureusement, il reste le bon vieux Jacques Brel :
 
 
"Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner..."
 

Lundi 5 décembre 2011, le brouillard "persiste" nous dit la météo chinoise. Du coup, plus de 100 vols ont été perturbés dimanche, plusieurs autoroutes autour de Pékin ont été fermées. Et mettre le nez dehors reste tout aussi "hazardous" que la veille, selon le twitter de l'ambassade américaine à Pékin. 

Le 6 décembre, le South China Morning Post consacrait un nouveau papier au sujet.  "Smog and fog raise health fears"

 

Mardi 18 janvier 2012 L'air est a nouveau pollué à Pékin

 

 

2 Comments

You've got to be kdidnig me-it's so transparently clear now!

Le gris possède d'extraordinaires nuances. Pour cela, écarquiller les mirettes !